A la (bonne) soupe !
Quoi de plus réconfortant qu’un bol de soupe fumant après une journée de travail ? Des légumes de saison, un peu de lard, du fromage et quelques croûtons de pain suffisent à remplir les estomacs les plus affamés.
« Elle réchauffe le corps, nourrit l’esprit et laisse des moustaches aux gourmands » comme aime à le dire Eric Roux dans son Manuel de cuisine populaire*. Et c’est vrai que, lorsqu’il fait froid dehors, une bonne soupe bien chaude réconforte et rassasie sans en avoir l’air. Il suffit de quelques légumes à éplucher et à faire cuire dans un grand volume d’eau, une demi-heure tout au plus, et seulement 10 minutes à l’autocuiseur. En deux temps, trois mouvements, le repas est prêt. Et si on a prévu large, il fera encore celui du lendemain soir et peut-être plus encore…
Des légumes de saison
L’avantage de la soupe, c’est qu’elle varie au gré des saisons. Si les pommes de terre, les poireaux et les carottes forment un grand classique, les autres légumes d’hiver ne sont pas en reste. Navet, rutabaga, panais, céleri-rave se marient à merveille au trio. L’oignon, le topinambour et les choux peuvent se joindre aux autres ou se suffire à eux-mêmes. Au printemps, les fanes de radis ou de carottes, comme les feuilles de blettes ou d'épinards se laissent volontiers plonger dans la marmite. L'été, place aux soupes froides ou chaudes de tomates, de courgettes... Quand le froid revient, les châtaignes remplacent aisément les pommes de terre, à moins de les préférer seules, en potage. Le potiron et autres courges donnent des veloutés onctueux, seulement rehaussés d’échalotes ou d’oignons, d’un peu de lait ou de crème. Tout comme les champignons de culture ou sauvages. Sans oublier les légumes secs tels que les lentilles, les pois chiches, les fèves ou les pois cassés, qui donnent des soupes savoureuses et riches en protéines.
Et pour anoblir une simple soupe, rien de tels, ajoutés au dernier moment, qu’une cuillérée de crème fraiche, qu’un peu de fromage de chèvre concassé, de comté râpé, de ciboulette finement coupée, que quelques croûtons maison, lamelles de jambon sec grillé, de d’andouille, de chorizo, de foie gras, noix de Saint-Jacques ou gambas.
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Potage, velouté & cie
Difficile de croire que, d’un simple bouillon de légumes, on obtienne autant de plats différents. Et pourtant…
- La version la plus rustique, et la plus goûteuse pourvu qu’on ait des ingrédients de qualité, est sans nul doute, la « soupe », ce bouillon servi avec ses légumes taillés en morceaux plus ou moins gros et ses morceaux de volaille ou de viande auquel on ajoute du pain rassis. Parmi les plus célèbres, la soupe à l’oignon se réalise avec une fondue d’oignon épaissie à la farine et mouillée au bouillon. Parsemée de fromage râpé et passé sous la salamandre, elle devient « soupe gratinée ».
- Lorsque les légumes sont mixés avec le bouillon, on parle de « potage », bien qu’en gastronomie, il s’agit plutôt de légumes étuvés, réduits en purée, mouillés au bouillon, mixés puis liés au beurre au moment de servir. Parmi les potages célèbres, la vichyssoise à base de pommes de terre, de poireaux et d’oignons qui se consomme traditionnellement froid mais peut aussi se servir chaud.
- Si le bouillon de légumes mixés est additionné de crème fraiche, on parle alors de « velouté » lorsqu’il est bien lisse et de « mouliné » lorsqu’il comporte des petits morceaux. Mais là encore, la gastronomie élève au rang de velouté, un potage de légumes, de volaille, de poisson ou de gibier additionné de crème fraîche et lié, hors du feu, de jaunes d’œufs et de beurre.
- A l’instar du potage de légumes, le « coulis » (de poisson, de volaille, de gibier) est réalisé à partir d’une purée de poisson, de volaille pochés ou de gibier rôti, mouillé avec un bouillon puis lié avec de la mie de pain, de la chapelure ou un féculent cuit (riz, lentilles…), le tout passé au chinois ou mixé et lié, hors feu, au beurre. On les sert généralement garni de croûtons de pains, de quenelles, de morceaux de viande ou de volaille. Plus couramment appelé « soupe de poisson », le coulis de poisson se consomme avec des croûtons, une rouille, du fromage râpé et de la crème.
- S’il est à base de homard, de crabe ou de tourteau, d’écrevisse ou de crevette, le coulis porte le nom de « bisque ». Il est généralement relevé de vin blanc, de cognac et de crème.
- Le « consommé » est, quant à lui, un bouillon, de légumes, de poissons ou de crustacés, clarifié, c’est-à-dire dégraissé et débarrassé de toutes ses impuretés. On le sert éventuellement lié avec du tapioca, de la crème de riz, des pâtes à potage, ou garni de la brunoise de légumes et de volaille, de croûtons, de ravioles, de quenelles…
- La « crème », appelée aussi brouet, est comparable au velouté mais est liée non pas au jaune d’œuf et au beurre mais au roux blond. Les plus connues sont la crème Du Barry à base de chou-fleur et celle de Clamart, aux petits-pois. Avec du lait à la place du bouillon, on parle alors de « crème suprême ». Tout un programme !
Vous voilà désormais incollable sur la soupe. Ah non, encore une anedocte : saviez-vous qu'au Moyen-âge, la soupe désignait une tranche de pain mouillée de bouillon ? D’où l’expression « trempé comme une soupe » utilisée lorsque l’on se fait mouiller par la pluie.
*Manuel de cuisine populaire, Eric Roux, éd. Menufretin, 2011
Un repas 100% coquille
Enfin, presque. Comme vous le savez, c'est la pleine saison de la coquille Saint-Jacques. Elle a débuté le 1er octobre pour la zone au-delà des 20 milles des côtes normandes, le 3 novembre pour la zone comprise entre 12 et 20 milles et le 30 en Baie de Seine. C'est donc le moment d'en profiter.
L'idéal avec la coquille Saint-Jacques, c'est qu'on peut tout à fait faire un repas autour du produit sans s'en lasser.
Crue, la noix de Saint-Jacques finement émincée s'accommode d'un peu de fleur de sel, de poivre timut (légèrement citronné), d'une huile d'olive et d'un trait de vinaigre pour lui apporter du peps. Jusqu'à maintenant, j'avais une préférence pour le vinaigre de riz mais je dois dire qu'après les dégustations de la fin de semaine dernière, un bon vinaigre de cidre maison a tout à fait sa place.
Parfaite à l'apéro, en mise-en-bouche ou en entrée (on varie les proportions), avec un bon champagne (Boulard par exemple)
Sébastien Rémy, chef du restaurant L'Angle Saint-Laurent à Bayeux (dont je vous reparle vendredi), agrémente la noix de Saint-Jacques crue d'un condiment à base de pommes et d'oignons, très rapide à préparer et qui, selon lui, fera également merveille avec un reste de viande froide après les fêtes. Lancez-vous dans cette recette ; pour l'avoir testée en cuisine (vous m'excuserez pour la qualité des photos et la justesse des proportions), c'est divin.
Saint-Jacques de Normandie Label Rouge en fines lamelles, condiment pomoignons et lard de cochon de Bayeux tranché (recette de Sébastien Rémy)
Pour 4 :
- 8 noix de Saint-Jacques de Normandie label Rouge sans le corail
- 1 oignon rouge
- qs d'huile d'olive
- 1 pomme boskoop
- lard fermier de cochon de Bayeux
- 2 cuillérées à soupe de vinaigre de cidre fermier
- qs de piment rouge (l'équivalent d'une cuillérée à moka rase)
- 1 yuzu ou 1 citron vert
- fleur de sel, poivre timut
Eplucher et émincer l'oignon rouge.
Le déposer dans une casserole et le couvrir d'huile d'olive.
Faire confire à feu doux.
Découper sans l'éplucher la pomme, en brunoise.
L'ajouter aux oignons et poursuivre la cuisson à feu doux.
Couper un petit morceau de lard en matignon (très fine brunoise). Ajouter au contenu de la casserole.
Couper le piment en matignon.
Verser le vinaigre de cidre et le piment et laisser mijoter encore 10 mn. Les oignons doivent rester légèrement croquants.
Emincer les noix de Saint-Jacques très finement.
Les déposer sur le pourtour d'une assiette.
Recouvrir d'une cuillérée de condiment (sans le liquide huile-vinaigre).
Arroser légèrement les noix du mélange huile-vinaigre du condiment.
Zester le yuyu au-dessus de l'assiette. Parsemer de fleur de sel, de poivre et déposer de très fines lamelles de lard fermier.
Servir bien frais.
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Cuite, la noix de Saint-Jacques ne nécessite qu'un aller-retour dans un beurre bien chaud. L'objectif est de saisir la noix et de conserver la chair nacrée et fondante. Trop cuite, la noix de Saint-Jacques devient caoutchouteuse et perd tout son goût délicat.
Le chef Sébastien Rémy nous conseille de saisir les noix à la poêle avant le repas et de les repasser au four à 160° le temps de les tiédir. Bien pratique quand on a des invités et que l'on veut profiter d'eux.
On peut aussi préférer une seule cuisson au four, avec une simple noix de beurre sur chaque noix. Un beurre que l'on peut parfumer avec de la vanille. A moins qu'on ne préfère les beurres Bordier, au yuzu, au fenouil ou aux algues qui se marient très bien avec.
La noix de Saint-Jacques ainsi cuite peut tout à fait se servir en entrée avec un ou deux morilles ou encore une carde de blettes étuvée. Elle constitue un plat avec une garniture plus conséquente : fondue de poireaux, poires sautées, poêlée de cèpes (trop bon) ou encore chou vert comme nous le propose Sébastien Rémy. L'association m'a surprise mais elle fonctionne super bien.
Saint-Jacques rôties, matignon de chorizo, grains de raisin blanc et embeurrée de chou vert (recette de Sébastien Rémy)
Pour 4 pers. :
- 12 noix de Saint-Jacques de Normandie Label Rouge
- 1 chou vert
- qs de chorizo de cochon de bayeux
- 20 grains de raisin blanc
- 1/2 oignon blanc
- 50g de beurre
- crème fleurette
- fleur de sel, poivre des cimes
Eplucher et émincer très finement le chou vert.
Les faire blanchir très rapidement dans une casserole d'eau (le chou doit rester croquant). Plonger dans l'eau froide pour stopper la cuisson et égoutter.
Oter la peau du chorizo et le couper en matignon.
Laver et épépiner les grains de raisin. Réserver.
Dans une première poêle, faire fondre une noix de beurre et y faire revenir sans coloration la moitié du chorizo et l'oignon. Quand l'oignon est tendre, ajouter le chou et poursuivre la cuisson à feu doux.
Dans une seconde poêle, faire fondre le reste de beurre avec le reste de chorizo. Ajouter les noix coraillées de Saint-Jacques et laisser colorer 2 mn sur le face tout en arrosant avec le beurre de cuisson. Retirer les noi et les coraux.
Verser la crème dans la poêle, déglacer et remettre les noix et les coraux. Donner un bouillon et ôter du feu. Ajouter les raisins blancs.
Dans chaque assiette (bien chaude), répartir un lit de chou au chorizo. Déposer 3 noix et leurs coraux et napper de crème au chorizo et au raisin.
Servir sans attendre.