Retour de chasse : terrine de lièvre
Voilà des années que je voulais m'essayer toute seule comme une grande aux terrines sans jamais oser. Le temps, l'inexpérience..., autant de faux prétextes qu'il fallait que je m'ôte de la tête ! D'autant qu'avec un mari chasseur, le gibier arrive chaque week-end à profusion ou presque et que manger du sanglier, du perdreau, du faisan ou de chevreuil toutes les semaines, ça n'est pas vraiment ma tasse de thé. On a beau en donner, le congélateur est plein d'une année à l'autre.
Ayant fait provision de gorge et de poitrine fraiche de porc, je me suis enfin lancée : un lièvre et un faisan y sont passés le même jour. Soit 1,2kg de chair de l'un et 400g de l'autre. Une terrine et 12 bocaux plus tard, voici le résultat...
Terrine de lièvre
- 1,2kg de lièvre désossé avec foie et filets entiers
- 500g de gorge de porc
- 700g de poitrine de porc fraiche
- 10 cl de vin rouge
- 100g d'oignon
- 1 quignon de pain sec
- des herbes de provence (thym, laurier, persil)
- 1/2 sachet de gelée en poudre au madère
- 30g de sel fin
- 6g de poivre moulu
- beurre
- crépine
Désosser entièrement le lièvre en réservant les filets et le foie entiers.
Détailler les filets en lanières.
Couper le reste en morceaux, ainsi que le porc.
Faire mariner 12h dans le vin, avec l'oignon.
Le lendemain,faire revenir l'oignon émincé très finement et le foie en dés dans une poêle avec un peu de beurre.
Hacher les viandes marinées.
Finir par le quignon de pain trempé rapidement dans la marinade.
Ajouter dans le saladier les herbes de Provence, la gelée, le sel, le poivre, les oignons et le foie.
Mélanger avec les mains.
Prélever une boulette de hachis et faire cuire dans une poêle pour vérifer l'assaisonnement. Rectifier si nécessaire.
Remplir la terrine à moitié de hachis.
Déposer une ou deux lanières de filet. Recouvrir de hachis jusqu'au bord de la terrine.
Recouvrir d'un morceau de crépine, préalablement lavée et essorée. Poser le couvercle.
Réserver au frais 12h.
Faire cuire (dans un plat car la graisse et la gélatine ont tendance à déborder dans le four) dans un four préchauffé à 130° pendant 1h30 environ.
Oter le couvercle les dix dernières minutes pour colorer la surface.
Laisser refroidir. Essuyer la terrine des coulures et laisser maturer au réfrigérateur pendant au moins 48h avant de déguster.
Verdict à la dégustation : un délice !
Saviez-vous que le pâté se nomme ‘terrine’ lorsqu'il est cuit dans un plat en terre assez profond et prend le doux nom de ‘pâté en croûte’ quand il s'habille d'une pâte brisée ?
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La stérilisation :
Pour conserver jusqu'à 2 ans vos terrines, préférez une cuisson en bocaux stérilisés. Pour cela, remplissez de hachis cru des bocaux à vis ou à caoutchouc. Tassez bien car la quantité a tendance à réduire à la cuisson. Fermez et déposez les bocaux dans un autocuiseur ou un faitout. Calez-les avec un torchon pour éviter qu'ils n'éclatent à la cuisson et ajoutez de l'eau aux 2/3 de la hauteur des pots. Portez à ébullition puis faites cuire à feu modéré 1h en autocuiseur, 2h en faitout à 100°.
Laissez complètement refroidir avant d'ouvrir la cocotte. Sortez les bocaux, vérifiez que les couvercles ne s'ouvrent pas (auquel cas, les pâtés ne seraient pas stérilisés et ne se conserveraient que quelques jours). Notez que les bocaux s'ouvrent lorsqu'ils sont encore chauds : ce n'est que froids que vous pouvez vérifier si la stérilisation a bien réussi.
L'idéal, si vous avez des plaques à induction, c'est de procéder à la cuisson le soir. La plaque s'arrêtant toute seule, vous pouvez aller vous coucher sans vous soucier de vos bocaux et le lendemain, au réveil, ils sont cuits et refroidis. En plus, si vous avez un forfait "heures creuses" la nuit, c'est tout bénéf !
Les proportions de viande :
Selon le résultat escompté, la proportion de viandes grasses et maigres est assez variable.
La terrine idéale comporte nécessairement du porc, théoriquement 1/3 de gras minimum, les deux autres tiers étant partagés entre de la viande maigre (veau ou porc) et celle de la viande choisie. Pour ma part, je pars plutôt sur la 1/2 de la viande choisie (ici le lièvre donc), 1/4 de gras de porc et 1/4 de maigre de porc.
Inutile de faire la fine bouche sur ce gras : il est indispensable en charcuterie !
La gorge du porc apporte du moelleux et de la graisse, mais pas trop, à la différence de la chair à saucisse qui, en plus, assèche l’ensemble. A défaut de gorge, le lard gras – la couenne et le gras de couverture, vendu chez le charcutier ou le boucher sous forme de barde – ou la panne – la graisse qui enrobe les rognons – peuvent tout à fait convenir, notamment avec des viandes sèches comme le sanglier.
Pour le tiers de viande maigre, le veau est apprécié pour sa finesse . L’épaule et le foie sont les morceaux de prédilection. Moins sèches et plus goûteuses, l’échine et la poitrine fraiche de porc sont tout aussi prisées et s’imposent notamment dans le pâté de campagne, mais aussi avec des viandes plus maigres comme le sanglier ou,ici, le lièvre. J'aurais d'ailleurs pu ajouter davantage de gorge, mais la terrine aurait été moins "viandeuse".
Le hachage :
Oubliez le robot qui mixe et réduit la viande en purée, sortez le hachoir électrique ou à manivelle ! C’est le secret d’une farce aérée et sans surchauffe. Pour conserver les morceaux tant attendus dans une terrine rustique, une grille de 4mm est parfaite. L'exception, c'est le pâté de foie qui se fait traditionnellement au cutter pour obtenir une farce super fine.
Commencez par hacher les viandes, puis les aromates et terminez par le croûton de pain : il nettoie la machine de toute la viande qui s’y est fixée. L’assaisonnement se fait hors hachoir et se mêle à la farce en malaxant celle-ci à la main.
Les liants :
La gelée est facultative mais apporte du moelleux à la terrine et permet d'obtenir une jolie gelée autour du pâté. Celle déshydratée est bien pratique même si j'évite généralement ce genre de produit (mais je ne suis pas à une contradiction près !).
Habiller le dessus de la terrine d’une crépine ou de barde la protègent aussi du dessèchement le temps de la cuisson.
Pour lier la texture, vous pouvez également ajouter un oeuf qui prévient le dessèchement de la farce. Le pain rassis ou la chapelure retiennent l’humidité et évitent la séparation entre le gras et le liquide au moment de la cuisson. La quantité varie selon la texture désirée.
L'assaisonnement :
Une terrine pas assez salée est immangeable, trop, elle est irrattrapable ! Mais la quantité de sel varie selon les farces. En théorie, on compte 18g de sel par kilo de viande ; en pratique, mieux vaut partir sur 15 g et affiner après avoir goûté. Mais attention !, une farce crue paraît toujours exagérément assaisonnée. Le truc : prélevez une boulette de farce, faites-la cuire à la poêle et laissez-la refroidir. C’est à ce stade seulement que vous pouvez vérifier et rectifier l’assaisonnement. Pour le poivre, 3 g par kilo de farce semble correct.
Le piment d’Espelette ou le genièvre ont leur place avec le gibier. Vous pouvez également aromatiser la terrine avec du cognac ou du calvados, ajouter des noisettes, des morilles séchées, des canneberges... qui se marient bien avec le lièvre.
Congeler une terrine ?
C'est tout à fait possible. Elle se conservera 3 mois maximum au congélateur, mais elle devra alors être consommée rapidement après décongélation. Si on prépare une terrine pour une occasion particulière (un buffet par exemple), on peut tout à fait la congeler entière dans son moule de cuisson. Il suffit alors de la laisser décongeler gentiment au réfrigérateur 12h à l’avance. En revanche, pour le quotidien, l’idéal est de la congeler tranchée pour ne ressortir que la quantité nécessaire plus facilement au quotidien.
Patience rime avec récompense
La saison de la chasse bat son plein. Chaque semaine, les lièvres arrivent à la maison sans que j'aie le temps de les préparer et s'entassent tristement dans le congélateur. Profitant de quelques jours de vacances (car la recette est très longue à réaliser, rien que 7 heures de cuisson !) et d'un lièvre fraichement abattu, je n'ai pu résister au plaisir d'un bon lièvre à la royale. Souvenir d'un délicieux plat dégusté l'an passé chez Marc Meneau. Lamentablement testé quelques semaines après à la maison, je devais retenter l'expérience.
Séduite par la simplicité de la recette de Joël Robuchon* du "lièvre à la royale du sénateur Couteaux à la façon poitevine", je me suis donc lancée non sans apporter quelques petites touches personnelles supplémentaires (je vous livre la recette telle que j'ai l'ai réalisée). On ne se refait pas ! Le râble ne cuisant pas aussi longtemps que des pattes, je l'ai donc ajouté au plat en le cuisant à part, à la dernière minute. Servi rosé, il peut plaire ou déplaire. our ma part, j'ai adoré ! Bien sûr, j'ai aussi suivi mon instinct et me suis rappelée la recette périgourdine qui, contrairement à la poitevine, comporte du foie gras dans la sauce. J'ai préféré néanmoins le traiter juste poêlé, avec les râbles. Divin !
Lièvre à la royale
pour 5/6 personnes
cuisson : plus de 7 heures
- 1 lièvre coupé en morceaux : pattes arrière en deux, pattes avant, râble entier et côtes (Robuchon ne les utilise pas pour ce plat),
- 2 bouteilles de vin rouge très corsé
- 50g de beurre
- 1 tranche de 40g de foie gras de canard mi-cuit
- 1 gros oignon
- 1 échalote
- 2 gousses d'ail
- 1 carotte
- 1 bouquet garni composé de 2 branches de thym frais, 1 branche de céleri, 2 tiges de persil et 1 poireau coupé en 4
- fleur de sel de Guérande aromatisé au poivre et aux baies
- 2 échalotes
- 1 gousse d'ail
- le foie, les rognons et le cœur du lièvre
- 5 à 10 cl de sang du lièvre
- 5 cl de vinaigre de vin vieux
- 2 carrés de chocolat (le mien de Monbana est au gingembre et à a cannelle)
- éventuellement 1 lichette de crème fleurette
- sel, poivre
Peler l'échalote et les gousses d'ail pour la sauce. Les ciseler très finement (2mm de côté).
Ciseler de la même façon le cœur, le foie et les rognons.
Réserver le tout dans un saladier filmé au réfrigérateur.
Mélanger le sang et le vinaigre. Réserver dans un bol en inox ou en verre filmé au réfrigérateur.
Préchauffer le four à 120°.
Peler et hacher l'oignon grossièrement. Peler l'échalote et l'ail. Conserver entiers.
Peler et émincer la carotte.
Laver les éléments du bouquet garni. Les nouer ensemble.
Prélever la chair sur les côtes. La frotter, ainsi que les pattes et les cuisses au sel poivré.
Dans une grande cocotte en fonte allant au four, faire revenir dans le beurre la carcasse des côtes à feu vif 10 mn.
Ajouter la garniture aromatique, le bouquet garni, les morceaux de lièvre par-dessus.
Verser le vin. Porter à ébullition.
Ôter éventuellement la carcasse des côtes.
Enfourner pour faire compoter pendant 6 heures. Le vin ne doit pas bouillir, seulement frissonner.
Pendant ce temps, à l'aide d'un bon couteau d'office, lever les filets sur le râble.
En déposer un sur une planche, recouvrir de la tranche de foie gras. Saler, poivrer et refermer avec le second filet.
Ficeler comme un rôti. Enfermer dans du papier cellophane et rouler pour former un joli boudin.
Réserver au réfrigérateur.
Au bout de 6 heures, récupérer les légumes d'un côté, le lièvre de l'autre.
Passer le liquide de cuisson à travers un chinois (ou une passoire très fine), au-dessus d'une casserole, en appuyant bien avec une cuiller pour exprimer tous les sucs.
Effilocher éventuellement le lièvre (il est plus agréable de déguster le lièvre sans os et les parts sont moins disproportionnées). Réserver.
Laisser refroidir.
Verser une louche du liquide de cuisson froid sur le hachis d'abats et d'aromates. Fouetter. Ajouter une seconde louche, fouetter de nouveau.
Transvaser le contenu du saladier dans la casserole.
Porter sur feu très doux et laisser frémir cette sauce pendant 1 heure.
Au-dessus d'une autre casserole, passer la sauce au chinois en appuyant bien. Remettre sur feu doux et laisser réduire la sauce à feu vif encore 10 / 15 mn.
Ajouter le mélange sang-vinaigre dans la sauce en fouettant doucement pour bien mélanger. Ajouter le chocolat et éventuellement un peu de crème pour adoucir la sauce. Rectifier l'assaisonnement.
Verser la sauce sur l'effilochée de lièvre dans la cocotte et réchauffer doucement à couvert.
Pendant ce temps, découper le filet au foie gras en médaillons de 2 cm d'épaisseur environ.
Dans une poêle, faire revenir les médaillons dans une noix de beurre moussante, 2mn30 sur une face puis 1 mn 30 sur l'autre, en les retournant à l'aide d'une spatule. Récupérer le jus de cuisson et l'ajouter à la sauce.
Dresser un médaillon et un peu d'effilochée de lièvre dans chaque assiette bien chaude. Napper de sauce et servir avec des tagliatelles à la myrtille ou au cacao, des cèpes, des légumes anciens cuits à l'étuvée...

* Tout Robuchon, volume 1, recettes Automne-Hiver, Joël Robuchon, 2011, éd. Marabout