lundi 29 février 2016

Le bulot de la Baie de Granville, la star des plateaux

Vendredi, je vous ai proposé une petite recette idéale pour l'apéro, au bulot. Or, qui dit bulot, dit Normandie puisque 73% de la production française en sont originaires et 55% plus précisément de la Baie de Granville, avec en moyenne 6 000 tonnes pêchées par an. C'est même la première espèce de la criée de Granville elle-même.

Son nom aussi est d’origine normande et a supplanté le terme français "buccin", issu du nom scientifique de l’espèce, Buccinum undatum. Enfin, pour être exact, à Granville, on l'appelle le "ran", et rien que sur la façade ouest du Cotentin, le gastéropode porte une douzaine de noms locaux différents : "bavot"», "bavouse", "berland", "buccin", "calicoco", "chucherolle", "coglu", "coquecigrue", "goglu",  "torion", "teurion"...

Même le mode de distribution (entier, dans sa coquille, vivant ou cuit) pratiqué en Europe provient du mode local. Il faut dire que le bulot fait partie de l’alimentation traditionnelle de la population qui le pêche à pied depuis des siècles. C'est dire si le bulot de la Baie de Granville est incontournable.

 
crédit photo : www.normandiefraicheurmer.fr

Une pêche historique

La répartition géographique de l’espèce Buccinum undatum s’étend sur une vaste zone qui va des rivages canadiens aux mers sibériennes. C’est
pourquoi le bulot est généralement commercialisé avec la mention « pêché en Atlantique Nord-est », sans plus de précision.

En Europe, même si le bulot est pêché depuis les années 80 au large de Saint-Malo et, plus récemment, de Saint-Brieuc, de Grandcamp, de Ouistreham et jusqu'à Boulogne sur Mer, c'est dans la Baie de Granville que se situe la principale zone de pêche. Entre le port de Diélette, au nord, et celui de Granville, au sud et pas beaucoup plus au large que Chausey et Jersey.

2016 02 18 - criée de Granville (2)

Les pêcheurs de la baie de Granville ont été les précurseurs de la pêche au bulot dès la fin du XIXème siècle. Mais ni ici, ni pour les vendre. Non, curieusement, l’origine de cette pêche est à rechercher du côté du Canada. En effet, en 1886, Terre Neuve décide d’interdire la vente d’appâts aux Français pour la pêche à la morue, ce qui les contraint à utiliser des bulots qu'ils pêchent, sur place, au casier.

Après-guerre, les pêcheurs comment à exploiter un gisement dans le secteur de Pirou, puis de Granville. Ils reprennent la technique au casier et développe un savoir-faire qui devient le modèle de la pêche au bulot.

Une pêche durable depuis 10 ans

Dans les années 70, la générosité de la mer semble inépuisable et les bulots sont prélevés sans se préoccuper du renouvellement de la ressource. Jusqu'à ce que la pêche commence à montrer des signes manifestes d’essoufflement. Entre 1994 et 2004, les rendements ont chuté de moitié. La profession engage alors une politique très volontariste de pêche raisonnée.

Dès 2004, les quotas sont revus à la baisse (de 350 kg par homme et par marée à 300kg, soit une diminution de 15 %). La pêche est fermée le dimanche, puis les jours fériés. En 2007, le temps de pêche est encore réduit, avec une fermeture totale au mois de janvier, période de repos biologique de l’espèce. A partir de 2008, le nombre de licences réduit, passant à 82 en 2007, 77 en 2009, 72 en 2013. Aujourd'hui encore, seuls 72 bateaux ont le droit de pêcher le bulot dans la baie. Enfin, en 2009, l’écartement des barrettes des grilles de tri augmente de 19 mm à 22 mm, ce qui implique une taille minimale de capture à 47-48 mm, supérieure à la taille réglementaire de 45 mm. 

En protégeant la ressource et en améliorant les techniques de pêche, le stock est aujourd’hui en voie de reconstitution.

Depuis 2014, la pêcherie de bulot de la Baie de Granville est entrée officiellement dans la démarche « Pêche Durable » conforme aux standards internationaux du Marine Stewardship Council (MSC) et devrait être certifiée dans quelques mois. Devrait également sans suivre une IGP pour assurer au bulot de la Baie de Granville une reconnaissance au niveau européen et une protection de la dénomination. Avec l'appellation "bulot de la Baie de Granville", le consommateur aura ainsi la garantie d'un produit d'origine (avec un étiquetage clair et une traçabilité prouvée) et de qualité (ultra frais car pêche quotidienne et propre car environnement marin très sableux, qui explique l’absence de "goût de vase").

Pour autant, depuis 2013, on constate moins de ponte et plus de mortalité de bulots. Les deux derniers étés, la pêche a été moins abondante qu'auparavant. La cause ? Le réchauffement climatique. Le bulot est un coquillage d'eaux froides qui, d'après des expériences in vitro, se reproduit entre 5 et 7° et meure au-dessus de 10°. Personne ne peut donc prévoir avec certitude l'avenir de cette pêche dans la baie...

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vendredi 26 février 2016

C'est l'heure de l'apéro

Le bulot à l'apéro, non seulement, ça rime, mais en plus, c'est un grand classique. En tout cas, en Normandie. Je vous reparle de ce gastéropode dès lundi. Mais, en attendant, parce que le week-end arrive à grand pas, je vous propose une recette à tester de toute urgence.

Il s'agit d'une création de Philippe Hardy, chef du Mascaret à Blainville sur Mer (sur lequel je reviendrai dans quelques jours), un délicieux pain garni de bulots et de chorizo, à tremper dans une mayonnaise parfumée à l'orange (mais ça n'est pas nécessaire). Etonnant au départ, mais avec un sacré goût de reviens-y !

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Pain apéro aux bulots de la baie de Granville et au chorizo (recette de Philippe Hardy)

- 200/250 g de pâte à pain (si possible au levain, sinon ma recette rapide ici)

- une dizaine de bulots cuits (voir la cuisson en-dessous)

- env. 50g de chorizo

- zestes de citron vert

- et pourquoi pas, un peu de thym comme le fait Dorian

Couper les bulots cuits et tiédis en deux ou trois selon la grosseur. Détailler le chorizo en cubes.

Etaler la pâte à pain en une rectangle de 10 x 30 cm environ.

Parsemer de chorizo et de bulots.

Zester un citron vert.

Refermer la pâte en boudin, en disposant l'ourlet (la "clé") en dessous. La former en zig-zag et laisser étuver 30 mn.

Préchauffer le four à 240°.

Badigeonner le dessus du pain d'un peu de lait ou de jaune d'oeuf avec un pinceau.

Enfourner pour 30 mn environ.

Au terme de sa cuisson, sortir le pain du four et le laisser refroidir sur une volette avant de le trancher.

Servir tiède, éventuellement accompagné d'une mayonnaise à l'orange.

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Comment cuire des bulots ? Les deux écoles

En Normandie, la cuisson des bulots est l'objet d'une discorde depuis toujours. Il y a les pros du démarrage à froid comme le chef Philippe Hardy et les pros du démarrage à ébullition comme Eric Leguelinel, bulotier et co-président de la commission professionnelle régionale
« bulot ». Même à la dégustation, il y a les fans du bulot froid à la mayonnaise, seul ou dans un plateau de fruits de mer, et les inconditionnels du bulot tiède, par exemple dans une piémontaise (à la place du jambon), voire chaud, notamment avec un beurre d’escargot. Là où tout le monde s'accorde, c'est que le bulot, c'est trop bon !

Le mieux est donc d'essayer les deux modes de cuisson et d'opter pour la solution qui nous sied le plus ! Une bonne réponse de Normande, non ?

Le démarrage à froid :

Commencer par dégorger les bulots dans de l'eau très salée une bonne demi-heure (s'ils sont sales prévoir plus longtemps en changeant l'eau) puis les rincer à l'eau froide. Les déposer dans un faitout largement couvert d'eau froide bien salée.

Porter à ébullition et laisser cuire 7 minutes. Les égoutter aussitôt (ne surtout pas les laisser refroidir dans l'eau car ils durciraient) et stopper la cuisson avec de la glace.

Le démarrage à ébullition :

Ne surtout pas faire dégorger les bulots.

Commencer par faire bouillir une très grande quantité d'eau bien salée éventuellement agrémentée de piment d’Espelette.

Rincer les bulots à l'eau tiède. Une fois à ébullition, plonger les bulots. A la reprise d'ébullition, les laisser cuire 15 à 20 minutes selon leur taille.

Les égoutter aussitôt (ne surtout pas les laisser refroidir dans l'eau car ils durciraient) et les laisser tiédir.

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jeudi 18 décembre 2014

J-7 \ Les fruits de mer de A à Z

Votre temps est précieux au moment des fêtes de Noël ? Alors, fruits de mer au menu ! Consommés crus, ils sont simples et rapides à préparer et apportent une note festive au repas. Sans compter qu’ils peuvent se cuisiner très vite. Pourquoi s’en priver ? En tout cas, fête ou pas fête, chez nous, on adore !

A comme amande

Non seulement ce coquillage beige strié et tacheté de brun est bon marché. Quelque peu caoutchouteux dégusté cru, il est délicieux farci avec un beurre persillé et passé très rapidement au four. Sympa en entrée ou à l’apéro !

B comme bulot

Ce gastéropode péché en Normandie a la réputation d’être coriace. Pour éviter ce désagrément, choisissez des spécimens pas trop gros et cuisez-les 20 mn dans de l’eau froide avec sel (30g par l), poivre et bouquet garni. S’ils sont vendus déjà cuits, veillez à leur fraicheur et rincez-les pour retirer le sable éventuel.

C comme crevette

Très fragile, la crevette est souvent déjà cuite sur les étals. Sa carapace doit être luisante et ne surtout pas coller, l’odeur iodée. Conservez-la entre 2° et 5°, dans un linge humide, 2 ou 3 jours maxi. Si elle est vendue décongelée, ne la recongelez surtout pas ! Dégustez-la simplement, avec une tartine de beurre pour la grise, à la mayonnaise ou dans une salade avec pamplemousse et avocat pour la rose.

D comme dégorger

Pour évacuer le sable et les indésirables qu’ils recèlent, les coquillages doivent, avant de cuire, tremper 2 bonnes heures dans de l’eau bien salée à même proportion que la mer (30g/l). Inévitable au retour de la pêche à pied, inutile s’ils sont achetés chez le poissonnier ou au vivier !

E comme étrille

Curieux ce tout petit crabe brun et plat, aux yeux rouges bien et aux pinces bleues. Mais ne vous laissez pas charmé car l’étrille est très agressive. C’est même un bon critère à l’achat ! Cuisez-les à frémissements, 6 à 8 mn dans de l’eau bouillante salée, ou préparez-les en bisque, coupées en morceaux lorsqu’elles sont encore vivantes et cuites à l’eau avec petits légumes et concentré de tomates. Cruel mais trop bon !

F comme fraicheur

D’une manière générale, la fraicheur des fruits de mer est essentielle pour passer Noël à table ! Achetez-les ou pêchez-les vivants : en les titillant avec la pointe d’un couteau, les mollusques se rétractent, les bivalves ferment leur coquille, les pinces des crustacés se resserrent. L’odeur d’iode et non d’ammoniaque est un signe qui ne trompe pas !

G comme gambas

Cette énorme crevette rose de 20 à 40 cm est pêchée dans des eaux chaudes, au large du Sénégal ou encore de Madagascar. Très charnue, elle est meilleure marinée avant cuisson et doit cuire (à la vapeur, à la poêle ou au barbecue) assez rapidement pour ne pas dessécher. Un conseil : incisez le dos avec des ciseaux pour retirer le boyau noir, la décortiquer plus facilement et permettre à la marinade de bien pénétrer dans la chair.

huitre au charbon d'Akrame Bennalal

H comme huître

Douce ou iodée, avec l’huître, il y en a pour tous les goûts selon qu’elle soit affinée dans les anciens marais salants (les claires), en Charente et en Vendée, en pleine mer ou à l’embouchure des rivières, dans l’Atlantique et la Manche, ou en suspension en Méditerranée. Conservez-la à plat dans une bourriche, bien tassée, sur un lit d’algues, jusqu’à 8 jours après la pêche, dans un endroit aéré et frais, mais pas trop froid car une huître gelée est une huître morte ! Dégustez-la crue, nature ; préférez alors une n°2 ou 3. Cuisinez l'huître plus charnue, simplement à la braise, passées au four sous un sabayon au champagne, en velouté ou encore pochées, prises en gelée avec épinard, bette ou cresson et dégustées froides.

L comme langoustine

Sa carapace rose et bien brillante (signe de fraicheur) cache une chair blanche délicate, ferme et savoureuse. Pochez-la 1 à 2 mn dans de l’eau salée et vinaigrée, à frémissement et dégustez-la tiède. Ou bien huilez-la et grillez-la, entière à la braise ou au four coupée en deux dans le sens de la longueur.

M comme mayonnaise

Incontournable avec un plateau de fruits de mer, pourvu qu’elle soit faite maison ! Si vous la faites quelques heures avant, préférez de l’huile de pépin de raisin qui ne fige pas au froid. Aromatisez-la avec de l’estragon, du cerfeuil, de la pulpe d’ail, du citron… Ajoutez-y une grosse cuillerée de ketchup, un trait de sauce Worcester et une cuillère à soupe de cognac pour obtenir une sauce cocktail, délicieuse avec les crustacés.

N comme nage

Voilà une petite soupe bien élégante et très parfumée. Carottes, poireaux, noix de Saint-Jacques, crevettes, moules, coques, palourdes ou autres fruits de mer sont cuits doucement dans un fumet de poisson maison et servis chauds.

O comme oursin

Ce n’est pas parce que ceux de nos côtes – les verts d’Erquy, les violets de Méditerranée – disparaissent des étals qu’il faut bouder les autres ! Ceux d’Irlande ou de Norvège se dégustent également crus à la petite cuiller, avec un jus de citron ou du vinaigre, du pain de seigle et du beurre salé. Coupez le dessus avec des ciseaux en prenant soin de vous ganter !

P comme praire ou palourde

L’une est protégée par une épaisse coquille crème, très bombée et marquée de profondes stries concentriques, l’autre par une coquille fine, noire, grise, rose ou blanche. Toutes deux, praire et palourde, sont appréciées pour leur subtil parfum d’iode. La praire est même plus prisée que l'huître pour son côté iodé. Ouvrez-les au couteau, en brisant la charnière, et savourez-les telles quelles. C'est comme ça qu'elles donnent le meilleur d'elles même. Farcies ou avec des spaghettis, elles sont pas mal non plus !

R comme rince-doigt

Indispensable pour s’essuyer les mains après le plateau de fruits de mer et ne pas sentir la marée jusqu’à la fin du repas !

S comme Saint-Jacques

Celle des Baies de Saint-Brieuc (Erquy) et de Granville offrent une noix iodée mais pas de corail jusqu’en février. Celle de la Baie de Seine (Port-en-Bessin et Dieppe) se distingue par sa saveur plus douce, une noix plus grosse et un beau corail présent toute la saison. Achetez-la vivante, en début ou en fin de saison lorsqu’elle est moins chère et congelez-la fraiche. Comptez 1 kg par personne, soit 5 à 6 noix (150g env). Dégustez-la crue, juste enduite d’huile d’olive, de citron ou de vinaigre de cidre, ou revenue au beurre 2 mn par face, avec une persillade ou de la crème et du safran, avec éventuellement une fondue d’endives ou de poireaux.

2015 12 10 - dîner coquille Saint-Jacques de Normandie label rouge (14)

T comme tourteau

Péché le long des côtes de la Manche ou de l’Atlantique d’avril à octobre, ce gros crabe de 400g à 1kg se reconnaît à sa paire de pinces et sa robe brun rouge, lisse et ovale. Achetez-le vivant et bien lourd, signe d’une chair abondante, les yeux bien noirs, la carapace, sans fissure. Cuisez-le au retour du marché, dans une eau bouillante additionnée de gros sel et d’un bouquet garni ou d’algues séchées. Comptez 16 mn par kg de tourteau à partir de la reprise de l’ébullition. Refroidi à l’air ambiant, il se déguste tel quel avec de la mayonnaise et se conserve 2 jours au réfrigérateur.

V comme vanneau

Plus connu sous le nom de pétoncle blanc dont la chair est moins fine et moins généreuse que le noir, mais néanmoins douce et légèrement iodée, le vanneau s’achète vivant, la coquille bien fermée. Préparez-le à la marinière comme les moules. C’est un plat peu onéreux pour les lendemains de fête !

W comme wok

Bien qu’il soit originaire d’Asie, le wok a toute sa place dans la cuisine des fruits de mer. On y fait revenir rapidement crevette, gambas, encornets…

Z comme zoyeuses fêtes !