J-12 * Une viande exotique pour le réveillon : pour ou contre ?
Pour changer de la volaille au réveillon de Noël, certains amateurs de viande se tournent vers des contrées lointaines. Crocodile, zèbre, kangourou… : au-delà de la surprise, c’est aussi une façon de transformer son repas en une expérience inoubliable. Mais cela en vaut-il vraiment la peine ?
Apparue il y a une vingtaine d’années en GMS, la viande d’origine lointaine a sa place, chaque année aux moments des fêtes, dans le rayon boucherie libre-service des supermarchés. En progression constante, cela reste malgré tout un marché timide qui ne séduit qu’une minorité de consommateurs.
D’où viennent ces viandes ?
Le bison, le kangourou et l’autruche, les plus consommés des viandes exotiques, sont pour la plupart, aujourd’hui, issus de l’élevage. Autorisé depuis 1992 dans l’Hexagone, l’élevage d’autruches a connu un effet de mode mais compte aujourd’hui moins d’une cinquantaine d’exploitations. La viande provient donc de l’Afrique du Sud, qui assure près de 90 % de la production mondiale, mais aussi de l’Australie, la Namibie et le Zimbabwe. Le bison, quant à lui, ne représente qu’une trentaine de fermes en France et est essentiellement importé du Canada et des Etats-Unis, principaux producteurs et exportateurs de cette espèce. Les autres gibiers importés sont, pour beaucoup, des espèces sauvages, comme le crocodile, le kangourou ou l’émeu, chassées par des professionnels suivant les quotas fixés par le pays de provenance. Ils ne sont commercialisés en Europe qu’avec autorisation.
Du côté des normes sanitaires
En France, les viandes exotiques sont soumises à des contrôles vétérinaires, que ce soit au niveau de leur alimentation (pour les viandes d’élevage) que de l’abattage, et vendues après accord de la Commission européenne. En outre, les principaux importateurs de viande exotiques s’assurent que les fournisseurs respectent la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction, un accord intergouvernemental signé en 1973 à Washington. C’est notamment le cas des viandes commercialisées en frais en GMS par Maître Jacques, une société rennaise qui s’est lancée dans les gibiers exotiques il y a plus de 10 ans.
Sous quelle forme les acheter ?
Fraiche sous vide ou congelée, la viande vendue en GMS est généralement prête à cuisiner, sous forme de filet à rôtir, de pavé ou de steak à griller, de morceaux à mijoter. Mieux vaut cependant choisir des morceaux bruts sans marinade pour apprécier pleinement le goût de la viande.
Le bison, l’appel du Grand Nord
Animal mythique des grandes plaines d’Amérique du Nord, le bison à l’état sauvage ne représentait plus que 200 000 et 300 000 têtes en 2005 alors qu’il s’élevait à 50 millions en 1830. Il faut dire que sa viande a assuré la nourriture quotidienne des pionniers pendant la conquête de l’Ouest, notamment fournis par le célèbre Buffalo Bill.
Avec sa chair tendre, le bison est considéré comme une viande « gourmet » et sa qualité est très recherchée. Si certains la comparent à du bœuf (notamment dans son utilisation), la viande de bison n’en est pas moins plus subtile révélant des saveurs fumées et boisées en fond de bouche. L’entrecôte est sans doute le meilleur morceau. Haché, le bison fait aussi d’excellents hamburgers. Pour ma part, je n'ai jamais dû tomber sur des viandes de qualité car toutes les dégustations ne m'ont pas vraiment chamboulée !
Servie saignante, la viande de bison se cuit moins longtemps et à moins haute température du fait de sa très faible teneur en gras. Poêlée, elle doit être saisie à feu moyen. En rôti, 7 mn par livre seulement sont suffisants.
Côté nutritionnel, c’est une viande à teneur en cholestérol très bas, une excellente source de fer, de protéines et de vitamine B12.
Comptez 37€ le kg de rumsteak à rôtir, 45 à 50€ le kg de pavés
L’autruche, un drôle d’oiseau
Autrefois chassée pour sa plume et sa peau en Afrique, l’autruche fait aujourd’hui l’objet d’un élevage sélectif pour son cuir et sa viande de qualité. Abattue vers 14 mois, l’autruche pèse autour de 100kg mais ne produit que 20kg de viande issue des cuisses. Il s’agit d’une viande rouge vif très tendre. Maigre, elle est également très pauvre en cholestérol mais riche en fer, phosphore, magnésium et potassium. Son goût se rapproche du bœuf et se cuisine de la même manière sans négliger la remontée en température avant cuisson et le repos après. Il est néanmoins conseillé d’ajouter un peu de matière grasse pour obtenir une viande bien juteuse, qui se sert rosée ou saignante. La viande d’autruche est excellente en fondue chinoise, saisie dans un bouillon de bœuf.
Comptez environ 35€ le kg de steak, 40€ le kg en fondue, en pavé ou en rôti et 45€ le kg en tournedos.
Le kangourou, c’est dans la poche !
Emblème du bush australien, le kangourou y prolifère aujourd’hui autant que dans les villes du pays. Légalisée pour la consommation humaine en Australie du Sud en 1980, sa viande provient d’élevage et de chasse commerciale. Plutôt maigre, tendre et moelleuse (surtout le filet et le faux-filet), la viande de kangourou sauvage révèle un goût assez prononcé. Elle se plaît grillée (servie saignante), en fondue, rôtie ou en ragoût comme un bœuf bourguignon, rehaussée d’airelles, de canneberges ou autres fruits rouges.
Enfin le kangourou est sans doute la moins onéreuse des viandes exotiques : autour de 20€ le kg de filet à rôtir ou de pavés.
Le crocodile, surprenant à ce qu'on dit
Lancée il y a peu en France, la viande de crocodile, qui provient essentiellement de fermes d’élevage du Zimbawe ou du Vietnam, reçoit depuis un accueil favorable de la part des consommateurs. Il faut dire que cette viande issue uniquement de la queue (la seule partie comestible) et vendue sous le nom de « filet », est, paraît-il, assez étonnante : son apparence, sa texture, son goût sont à mi-chemin entre le poulet et la lotte. Consommée plutôt cuit à cœur et émincée finement, la viande du reptile est très moelleuse et fait merveille en fondue chinoise, en soupe tonkinoise, en sandwichs, en wok, avec une sauce relevée au curry ou au poivre.
Comptez 36/38€ le kg
Le zèbre, terriblement doux
Ne vous attendez pas à voir un morceau zébré ! Non non, la viande de zèbre est plutôt rouge rosé. Cette viande de brousse, chassée en Afrique du Sud, révèle, dit-on, une saveur étonnamment très douce, très proche du cheval, et une texture ultra fondante. L’idéal est de la griller et le relever d’une sauce au bleu notamment.
Comptez entre 30 et 40 € le kg de filet en pavés ou en rôti.
Le lama, le nec plus ultra (en Bolivie en tout cas !)
Animal domestique d’Amérique du Sud, le lama était déjà apprécié des Incas pour sa laine et sa viande qu’ils consommaient et utilisaient comme monnaie d’échange. Longtemps considéré comme une « viande des pauvres », il s’invite depuis 10 ans sur les plus grandes tables de Bolivie. Si le pays en a fait l’élevage le plus important des Andes, le lama y est même devenu la viande la plus chère. On la consomme séchée, comme le veut la tradition (on l’appelle « charqui »), telle quelle ou réhydratée en ragoût, en empanadas, frite avec du manioc. Fraiche, la viande de lama est, semble-t-il, très tendre. Elle se sert aussi bien en tartare qu’assez cuite, accompagnée de quinoa, de pommes de terre ou de riz. A noter que l’abattage de lama est interdit dans les élevages français. La viande de lama que nous consommons dans l’hexagone est donc forcément élevée ou chassée en Amérique du Sud.
Comptez 40€ le kg, en rôti comme en pavé.
Moins courantes mais tout aussi exotiques
Au moment des fêtes de fin d’année, les supermarchés et les chaines de surgelés rivalisent de créativité sur le marché des viandes exotiques, aux rayons frais sous vide et surgelés. Chameau issu de chasses commerciales en Australie, antilope importée d’Afrique du sud, serpent du Vietnam, renne de Suède, wapiti du Canada, requin pêché dans l’Océan pacifique… peuvent ainsi atterrir dans nos assiettes. La viande d’antilope est considérée comme la plus tendre et la plus maigre de toutes. Curieusement, il semblerait que celle de chameau ressemble à celle d’autruche (donc de bœuf, CQFD).
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A quel prix ?
Vous l'aurez constaté, il faut compter entre 20 et 50€ le kg selon l’espèce et le morceau choisis, ce qui revient à 4/5€ par personne. En comparaison, cela revient à quasiment le prix qu’une dinde fermière, vendue généralement autour de 60€ la pièce de 4kg, soit 5/6€ par personne. L’inconvénient, c’est qu’un pavé convient pour un convive, un rôti au maximum pour 4. Pour une grande tablée, ça peut rapidement devenir fastidieux à préparer.
Alors, cela en vaut-il vraiment la peine ?
Consommer de la viande de brousse est forcément source de polémiques. En dehors de toute considération éthique (propre à notre culture rappelons-le puisque chaque peuple se nourrit de ce qu’il a sous la main), il me semble qu'il est sans doute préférable de limiter ce type d’achat à des événements particuliers pour en préserver son côté singulier, mais surtout pour ne pas alourdir un bilan écologique bien lourd.
Excepté pour les animaux désormais élevés en France, imaginez le nombre de kilomètres parcourus en avion, en bateau…, le tout en chambre froide, tout ça pour un bout de viande ? Le même que l’on retrouve pour se délecter d’une fraise à Noël d’ailleurs.
Peut-être faudrait-il envisager de puiser dans nos propres ressources : ragondins, goélands… ou autres nuisibles ? Ou se « contenter » d’une excellente viande bien de chez nous. Apprécier le travail de nos éleveurs, ça en vaut la peine, non ?
De l'autruche pour changer ?
Que diriez-vous d'un peu d'exotisme dans votre assiette ?Je dois l'avouer : j'apprécie le gibier, notamment le chevreuil ou la biche, mais malheureusement, depuis un an que nous sommes arrivés en Normandie, il se fait très rare dans nos assiettes. Pour ne pas dire carrément absent. Si mon mari avait l'habitude de rapporter chaque dimanche des lièvres, des faisans, des perdrix, de temps en temps, des bécasses, du sanglier ou du chevreuil, des chasses de Seine-et-Marne, de lorraine ou de Loir-et-Cher, ici, la saison a été plutôt maigre avec seulement deux perdrix et un pigeon.
Du coup, c'est avec intérêt que j'ai testé les produits de la maison Damien de Jong, le spécialiste français des viandes d’exception : gibiers traditionnels (cerf, sanglier, chevreuil…) et exotiques (kangourou, autruche, bison…). Cette entreprise familiale alsacienne est située à Dambach la Ville, un petit village de la route des vins et proche de Strasbourg. La société a pour activité le négoce international ainsi que la transformation de viande fraiche, conditionnée sous atmosphère protégée, et surgelée. Elle propose ses différentes gammes en grandes surfaces, auprès de grossistes ou d’industriels de l’agro-alimentaire. Une boutique en ligne devrait voir le jour dès février 2016.
Pour ce plat, j'ai opté pour des pavés d'autruche, simplement grillés. C'est une viande rouge très goûteuse, qui change du boeuf et a l'avantage d'être pauvre en calorie. Je les ai accompagnés de topinambours bios de la Baie du Mont Saint-Michel, cuits à l'étuvée, et de grenailles Pompadour Label Rouge qui ont l'avantage de cuire très rapidement, sont très douces et pas amères comme les rattes du Touquet. Parfait !
Pavés d'autruche grillés, topinambours à l'étuvée et grenailles Pompadour sautées
pour 4 personnes
- 4 pavés de 150g chacun
- 500g de topinambours
- 500g de grenailles Pompadour Label Rouge
- 50g de beurre demi-sel
- fleur de sel, 5 baies concassées
Commencer par laver et éplucher les topinambours à l'économe. Les couper en rondelles.
Faire fondre une belle noix de beurre dans une casserole. Y faire colorer les topinambours 5 mn, à feu doux.
Saler, poivrer, ajouter un fond d'eau et faire cuire à couvert et à feu doux pendant 15 mn environ.
Frotter les grenailles poour ôter la peau. Les laver. Couper les plus grosses en deux.
Faire fondre une belle noix de beurre dans une sauteuse. Y faire colorer les pommes de terre 5 mn, à feu doux.
Saler, poivrer et faire cuire à couvert et à feu doux pendant 10 mn environ.
Faire chauffer une poêle en tôle. Lorsqu'elle est chaude, déposer les pavés d'autruche. Faire saisir jusqu'à ce que les pavés glissent dans la poêle sans accrocher (4 mn environ). Les retourner et saisir 3 mn environ.
Saler, poivrer. Servir avec une noix de beurre persillée ou une sauce béarnaise, accompagnés des topinambours et des grenailles.
Pour accompagner ce plat, j'ai fait la découverte d'une cuvée appelée Terres de truffes. Un assemblage des cépages Syrah et Grenache, issus de vignes âgées de 20 à 50 ans d’âge, à la robe à la teinte fraîche et gourmande, à reflets violacés et au nez puissant parfumé d'arômes de myrtille et de cassis, soutenus par des notes d’épices douces, de violette, de réglisse et d’olive noire.
Ce vin est le compagnon idéal des plats à base de truffes tels que brouillade, salade de pâtes fraîches, pommes de terres à la crème avec de la truffe finement tranchée. Il est parfait avec une poêlée de champignons, des gibiers à plume ou un rôti de viande rouge.
Cru de 2013, il aurait pu attendre sagement dans la cave 2 à 3 ans de plus. Mais, une fois bien aéré, il s'est avéré très agréable avec notre plat.
Plus d'infos sur www.Damien-de-jong.com/boutique et http://www.terraventoux.fr