J-10 * Sous leur coquille se cache une perle…
Naturelle et raffinée, douce ou iodée, l’huître ne laisse pas indifférent : elle nous transporte ou nous indispose. Et avec 6 régions d’élevage sur le littoral français, il y en a pour tous les goûts.
Jusqu’au siècle dernier, avant d’être décimée par différentes épidémies, l’huître plate était la seule connue en France. Aujourd’hui encore, la Bretagne en affine une seule variété, la Bélon, très recherchée pour son croquant, sa longueur en bouche et son subtil parfum boisé. Ailleurs, quelques bancs subsistent à l’état sauvage mais ne sont vendus que sur le marché local : le Pied de cheval dans le bassin de Thau (en Méditerranée) et la Gravette d’Arcachon(en Aquitaine). Plus robuste et plus charnue, c’est l’huître creuse d’origine japonaise que l’on trouve désormais chez les ostréiculteurs. D’ailleurs, 95% des huîtres produites en France sont des variétés creuses. Selon son affinage, en pleine mer, dans les anciens marais salants ou à l’embouchure des rivières, l’huître révèle une saveur et une texture propre. Une belle histoire de terroirs.
Les huîtres de Normandie, fines et corsées
Saviez-vous qu’une huître consommée sur quatre est d’origine normande ? Et pourtant, l’ostréiculture n’y a connu un essor important qu’à partir de 1970 et l’arrivée de la technique d’élevage sur tables, toujours d’actualité. Auparavant, on y ramassait des huîtres plates sauvages, les "perlots", très abondantes déjà au bas Moyen-âge. La région est donc devenue la première productrice d’huîtres creuses en 40 ans seulement. Et fournit même des ostréiculteurs charentais qui la commercialisent, une fois affinée, sous leur propre appellation. Il faut dire qu’avec leurs grandes plages exposées aux vents du large et leurs puissants courants des marées, les côtes normandes offrent un milieu exceptionnel pour les 4 grands crus aux caractéristiques bien distinctes :
- les huîtres de la Côte de Nacre, de Meuvaines-Asnelles, à la saveur tonique ;
- celles d’Isigny sur Mer, produites dans la Baie des Veys, reconnaissables à leur chair douce et croquante ;
- celles de Saint-Vaast la Hougue et de l’île de Tatihou, sur la côte est du Cotentin, à la fois iodées et charnues, au goût de noisette caractéristique ;
- celles de « pleine mer », caractérisées par leur parfum iodé et leur goût corsé, élevées sur la côte ouest du Cotentin, entre Agon-Coutainville et Saint-Germain sur Ay, en passant par Chausey.
A Barneville-Carteret, une exploitation vend également des variétés d’huîtres "fines" et "spéciales", affinées en bassins d’eau de mer peu profonds, les claires. Pour autant, ces appellations restent l’apanage du Poitou-Charentes.
Celles de Bretagne, généreuses ou subtiles
Comme les huîtres normandes, les spécimens bretons ont aussi la particularité d’être élevés et affinés en pleine mer, dans les baies ou encore les estuaires, ce qui leur confère une saveur plus ou moins corsée et iodée.
Au Nord, on distingue des variétés très aromatiques comme la Cancale au goût de noisette et d’iode, l’Arguenon, très recherchée des amateurs pour sa chair abondante, la croquante Fréhel, la Paimpol, salée et ferme, la Rivière de Tréguier, grasse et iodée, la Morlaix, moelleuse et aux parfums d’algue, la Nacre des Abers et la Rade de Brest, les crus les plus à l’ouest, fermes et corsés.
Le Sud, lui, se caractérise par des saveurs douces et complexes qu’il s’agisse de l’huître de la Baie de Quiberon, du Golfe de Morbihan, aux saveurs d’algue, de l’Aven-Belon, légèrement sucrée, de la Ria-d’Etel, peu iodée, de la Pernef, généreuse en chair, ou de la Croisicaise aux arômes de noisette.
En Vendée, douceur et fermeté
La Vendée élève des huîtres depuis l’Antiquité. Aujourd’hui encore, quatre bassins préfigurent : la Baie de Bourgneuf – Noirmoutier (déjà considéré comme le meilleur du Royaume de France au 18ème siècle), Talmont St Hilaire et la Baie de l’Aiguillon. Élevées entre l’Océan atlantique et l’estuaire de la Loire, affinées en mer ou en claires, dans les anciens marais salants, les huîtres de Vendée développent une chair ferme et croquante, et une saveur équilibrée entre douceur et salinité. En fonction de leur quantité de chair, de leur lieu d’affinage et de leur coloration verte due à une algue, la navicule, parfois présente lors de leur passage en claire, six appellations sont ainsi commercialisées :
- pour les huîtres issues directement de l’estran, la Vendée Atlantique Fine (plus de 6,5% de son poids est constitué par sa chair) et la Vendée Atlantique Spéciale (plus de 10,5% de son poids est constitué par sa chair),
- pour celles affinées en claires, la Vendée Atlantique Fine de Claire, la Vendée Atlantique Spéciale de Claire, la Vendée Atlantique Fine de Claire Verte et la Vendée Atlantique Spéciale de Claire Verte.
Parmi ces huîtres, certaines bénéficient de l’appellation Belle de Sélection pour leurs qualités de chair et de coquille.
La Charente Maritime ou l’équilibre des saveurs
Qui ne connaît pas la Gillardeau ? C’est sans doute la star des huîtres françaises. Sans oublier les huîtres Marennes Oléron, les plus célèbres des Huîtres Charente Maritime. C’est vrai qu’avec leurs saveurs équilibrées et leur chair subtile, les huîtres de la région plaisent à coup sûr.
Élevées dans des parcs sur 3000 hectares entre la Baie de l’Aiguillon et l’estuaire de la Gironde, à l’abri des vents du large grâce à l’île d’Oléron, elles sont ensuite affinées entre 1 et 8 mois en claires, les anciens marais salants qui leur apportent leur propre caractère. La région propose 4 grands crus dont les appellations sont comparables à celles de Vendée :
- la Fine de Claire, peu charnue, à la saveur marine bien affirmée et au subtil goût de terroir caractéristique,
- la Fine de Claire Verte, commercialisée d’octobre à mai, à la saveur salée puis sucrée,
- la Spéciale de Claire, caractérisée par une chair importante et une nacre éclatante,
- la Pousse en Claire, produite par quelques ostréiculteurs avertis, affinée en claire de 4 à 8 mois, à 5 maximum au m2. C’est une huître haut de gamme à la chair très croquante, à l’odeur et à l’arôme du marais et à la saveur sucrée.
Les Huîtres Marennes Oléron bénéficient d’une Indication Géographique Protégée et d’un label rouge pour la Fine de claire verte et la Pousse de claire.
Les huitres du Bassin d’Arcachon, fines et iodées
Historique, l’ostréiculture dans le Bassin d’Arcachon a néanmoins souffert durant des dizaines d’années de surproduction, d’épidémies, de tempêtes… Aujourd’hui, seules 315 exploitations élèvent et commercialisent des huîtres de consommation, d’élevage et des naissains pour les autres régions ostréicoles. C’est d’ailleurs le premier bassin naisseur français, suivi de la Charente maritime. Vendues sous une marque collective, les Huîtres Arcachon - Cap Ferret proviennent de quatre terroirs du Golfe de Gascogne aux vastes fonds sablonneux : le Cap Ferret (chair croquante et fruitée), le Banc d’Arguin (chair dense et onctueuse à la saveur sucrée), le Grand Banc (chair onctueuse et iodée), l’Île aux Oiseaux.
Les huîtres de corde de Méditerranée
Célèbre pour les huîtres de Bouzigues, fermes et fondantes à la saveur de noisette, la Méditerranée est un lieu privilégié pour l’élevage des coquillages. De Toulon à Leucate, en passant par la lagune de Thau, comme au large de la Corse, l’huître en suspension sur cordes ne subit pas les marais, immergée en permanence dans des eaux profondes et riches en planctons, et bénéficie d’un climat chaud, ce qui lui profite plus rapidement. Résultat des huîtres de Corse goûteuses et charnues, fines et délicates à Leucate, au goût iodé au large de Gruissan.
Histoire de calibrage
Plus le numéro est petit, plus les huîtres pèsent lourds.
Les creuses sont classées ainsi : n°0 (151g et plus), n°1 (111g à 150g), n 2 (86g à 110g), n°3 (66 à 85g), n°4 (46 à 65g), n°5 (30 à 45g).
Les plates : n°000 (10 à 12 kg les 100 huîtres soit env. 100 à 120g l’une), n°00 (90/100g), n°0 (80g), n°1 (70g), n 2 (60g), n°3 (50g), n 4 (40g), n°5 (30g), n°6 (20g).
Préférez des huîtres creuses n°4 pour la cuisine, des n°2 ou 3 pour la dégustation. Réservez les gros calibres aux amateurs.
La saison des huîtres
Qu’on se le dise une bonne fois pour toute : l’adage qui préconise de ne déguster des huîtres que les mois en R (de septembre à avril) n’a aucune raison d’être ! Il provient d’une recommandation du 17ème siècle, fixée par ordonnance, pour éviter les risques sanitaires liés à la chaleur des mois d’été (mai, juin, juillet, août) alors que les huîtres étaient livrées en charrette et non en camion réfrigéré comme aujourd’hui. Il existait en outre un interdit de pêcher les huîtres ces 4 mois d’été afin de les préserver pendant leur période de reproduction.
On peut donc profiter des huîtres tout au long de l’année même si elles sont plus laiteuses durant l’été, ce qui n’est pas du goût de tous.