La "grande" Maison du Petit Pierre
Il y a des chefs qui nous bluffent par leur sens créatif. Pierre Augé de La Maison du Petit Pierre à Béziers est de ceux-là. Réaliser un déjeuner entièrement centré sur le melon sans lasser ses hôtes est un exercice de haute voltige, brillament exécuté par ce chef talentueux. C'est en tout cas l'agréable découverte que j'ai faite il y a quelques semaines et qui me donne envie d'y retourner...
A quelques pas des arènes de Béziers, La Maison de Petit Pierre passerait presque inaperçue sur ce boulevard. Derrière un grand mur ocre, se cache une charmante cour pavée dans laquelle plusieurs gourmets se sont donné rendez-vous. Un endroit au charme fou qui vous invite à prendre place à l'abri des regards et du passage sous un auvent typé hacienda, ou bien sous les parasols devant la cuisine. C'est ici, derrière une jolie verrière, que Pierre Augé officie.
Au fond de la cour, la maison rose abrite, au rez-de-jardin, le restaurant familial, celui qu'il rachète à son père (également boucher-charcutier-traiteur à quelques pas de là). L'étage, autrefois occupé par les appartements familiaux, s'est, depuis quelques temps, transformé en dépendances pour le restaurant, avec notamment une seconde salle dans la loggia. Il faut dire qu'après le passage du chef à la télé dans l'émission Top Chef en 2010 puis en 2014, les réservations ont explosé et le restaurant ne désemplit pas, accueillant une centaine de couverts chaque jour. C'est dans cette loggia à la décoration soignée et tendance que nous allons déjeuner.
Notre déjeuner commence par un cocktail inédit, imaginé pour l'occasion, au spritz, melon, kumquat et champagne. L'accord est intéressant mais la texture mériterait d'être un peu plus liquide. Pour accompagner cet apéritif, Pierre Augé a concocté deux amuse-bouches simples et audacieux :
Un filet de maquereau rapidement mariné dans un sel de salicorne et servi bien frais avec du melon et un sorbet au basilic et citron vert.
L'ensemble est délicat et très frais.
Le givré au vinaigre de sapin, melon et fleur de sel qui suit est surprenant et tout aussi rafraichissant.
A table, nous commençons par une faisselle de chèvre, melon, courgette jaune et sorbet de pomme verte.
Une entrée tout en finesse, qui mêle douceur, fondant et croquant. Un coup de coeur !
Pierre Augé s'est demandé comment il pourrait utiliser le melon dans le plat et s'est penché sur la peau qui n'est jamais recyclée en cuisine.
Quelle audace ! La baudroie de Méditerrannée cuite en vapeur avec de la peau de melon et des feuilles de canelle est délicatement parfumée.
Elle est servie à température ambiante, en filet, sur un gaspacho de concombre, melon, jus de tomate et piment jaune. Un régal !
Les fromages de chèvre de pays sont fabuleux.
Difficile de résister, d'autant qu'ils sont en bonne compagnie avec un miel de Lodève et un surprenant confit de melon et de réglisse.
Un accord original qui fonctionne à merveille.
Autre coup de coeur pour ce dessert aussi agréable à l'oeil qu'en bouche. Un vrai tableau de maître, non ?
La fleur de melon est posée sur un biscuit amande ("tout simple" aux dires du chef) moelleux et régressif à souhait, et judicieusement mariée à un sorbet et une crème d'agrumes. On en redemande !
Un second dessert est servi avec un vin de raisins oubliés : du melon et granité au thym, fruits de la passion et poivre Timut. Parfait pour digérer !
Un déjeuner dont je me souviendrai longtemps. Une impression de simplicité, de légèreté et, en même temps, d'une grande créativité et ingéniosité car, malgré la présence du melon dans tous les plats, je n'ai pas eu un seul instant l'impression qu'il soit redondant. Pas un seule fois, je me suis dit "pff encore du melon". Non le melon passait quasiment inaperçu, ne dominait pas le reste. Un travail difficile quand on sait qu'un peu de melon dans une salade de fruits peut vous la plomber !
J'ai découvert à travers ce déjeuner un chef doué et inventif, fort d'une expérience de 10 ans dans des établissements prestigieux (Restaurant Éric Frechon, Le Taillevent, Le Pré Catelan, Les Elysées au Vernet, La Régalade de Camdeborde, l’Hôtel Murano où il décroche sa première place de Chef, puis Outre-Manche, au Sketch, à Londres), qui sait transmettre son amour de la cuisine et des bons produits. J'ai également fait la connaissance d'une personne généreuse, qui a créé son propre potager qu'elle partage avec la cuisine scolaire municipale pour que les enfants aient de bons produits dans leur assiette. A la tête de 20 salariés, Pierre Augé connaît aujourd'hui un grand succès et tout ça est amplement mérité. Chapeau l'artiste !
Si vous aussi souhaiter découvrir cette jolie table, sachez que dès aujourd'hui et jusqu'au 15 août, Pierre Augé transforme son restaurant en véritable bodega pour le faire vivre au rythme effréné des férias de Béziers. Pendant 5 jours, on profite des sons des bandas et autres groupes de musique gitane pour célébrer les valeurs qui sont chères au Chef. Générosité, convivialité, et bonne humeur deviennent le leitmotiv de cet événement festif incontournable. A table, on se régale de tapas et des plats tous plus gourmands les uns que les autres, on se laisse séduire sans trop de mal par le menu dégustation, en 5 temps le midi, et 4 le soir, changeant d’un jour sur l’autre. Et après le repas, place à la musique, aux animations et spectacles qui amèneront les plus vaillants jusqu’au bout de la nuit.
Sinon, plongez-vous dans son nouveau livre de cuisine Simple & frais, composé de 40 recettes issues de son répertoire familiale et organisées en 5 thématiques : super rapide, en famille, veggie, lunch box et en amoureux. J'ai déjà craqué pour un granité de betterave, gingembre, citron vert tout simple mais qui en jette ou encore un millefeuille de crêpes croustillantes. Des recettes à l'image de sa cuisine.
LA MAISON DE PETIT PIERRE
22, Avenue Pierre Verdier - 34500 Béziers
Ouvert du lundi au mercredi le midi uniquement et du jeudi au samedi, midi et soir