Envoutante truffe noire
Un noir finement veiné de blanc à la coupe, un parfum boisé, un goût puissant : la truffe noire est unique et mystérieuse. Elle fascine et transporte, laissant un souvenir inoubliable à qui la déguste.
Dans le Vaucluse comme le Périgord, dès décembre et jusqu’à fin février, un champignon bouscule les emplois du temps : la Tuber Melanosporum. Objet de convoitise, la truffe noire au parfum suave déchaine les passions. Il n’y a que se rendre sur les marchés organisés dans les villages de la région à la saison. Côté vendeurs comme acheteurs, on s’y bouscule dès la première heure. Sur les marchés de professionnels, ouverts aux conserveurs, restaurateurs et courtiers, la vente se fait au pied des autos, le coffre ouvert, les truffes cachées telles des trésors et les conversations se déroulent à mi-mot, comme en secret. Depuis quelques années, la profession a mis en place des marchés contrôlés, plutôt destinés aux particuliers. La truffe fraiche y est vendue à maturité optimale, brossée et tracée quant à son terroir de provenance et à l’identité du producteur. Et les prix sont clairement affichés. De quoi éviter bien des déconvenues. Car à 80/100€ les 100 grammes, mieux vaut ne pas se faire avoir.
© Valérie Biset - ADT Vaucluse
Du Périgord et surtout d’ailleurs…
Si la truffe blanche d’Alba est, sans aucun doute, de très loin, la plus rare et la plus recherchée de la famille des ascomycètes, celle du Périgord en est la star française. Malgré son nom, cette espèce botanique se trouve majoritairement dans le sud-est de la France, en Périgord-Quercy, mais aussi au Maroc, en Espagne, en Italie, en Croatie et en Slovénie. Sorges et Sarlat en ont fait sa réputation entre le XVII et le XIXème siècle et lui ont valu son nom. Aujourd’hui, pourtant, le Vaucluse est le 1er département français producteur et le sud-est assure 70% de la production française. Les prix pratiqués sur le marché aux truffes de Carpentras servent même de référence aux autres marchés. A quelques kilomètres, dans l’enclave des papes, Richerenches détient le plus gros marché. Plus de 700kg de truffes y sont vendus chaque semaine. La truffe y est tellement encensée que tous les 3ème dimanche de janvier, une messe est célébrée en l’honneur de Saint-Antoine, le patron des trufficulteurs. La truffe est donc devenue au Périgord, ce que le champignon est à Paris ou le chou à Bruxelles.
Mystérieuse tubercule
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la truffe est le fruit d’un champignon. Sous terrain, sans pied, avec une forme de tubercule globuleux et souvent bosselé, d’un noir singulier, certes, mais d’un champignon quand même, puisqu’il est produit chaque année à partir du mycélium développé dans le sol. La singularité de la truffe, c’est qu’elle naît de la symbiose entre un sol, un arbre et le champignon. Mais pas n’importe lesquels. Le sol est nécessairement calcaire, plutôt pauvre, peu profond et bien drainé. L’arbre est le plus souvent un chêne pubescent, un chêne vert, un noisetier ou un pin noir. Mais il peut aussi être un tilleul, un charme ou un châtaignier. L’ensoleillement et la pluie ont aussi leur importance. Dans le Sud, on dit qu’il doit pleuvoir à la Saint-Jean, au 14 juillet et au 15 août. Quelques petites pluies à l’automne et la « mélano » (comme la surnomme les amateurs) arrive alors à maturité. Si les conditions sont réunies, sa grosseur varie de la taille de celle d’une noisette à celle du poing, son poids de 10 à 200 grammes. Mais certains spécimens atteignent le kilo.
L’art du cavage
A la faveur des premiers frimas hivernaux, la truffe noire libère son parfum caractéristique de sous-bois, de terre et d’humus, sublimée de fruits secs torréfiés. Un signe de parfaite maturité. Le cavage peut commencer. Mais l’odeur d’une truffe en terre n’est pas facile à déceler pour l’homme. L’animal lui est donc d’un grand secours. Certains pratiquent encore le cavage avec le porc qui sent naturellement de très loin l’odeur de la truffe et la localise avec énormément de précision. Pratique donc car le porc n’a pas besoin de dressage particulier si ce n’est qu’il raffole de ce champignon et qu’il vaut donc mieux lui apprendre à ne pas la manger. Plus sûr, dans ces conditions, de caver avec un chien. Après quelques années de dressage, le chien qui aime faire plaisir à son maître, saura détecter les truffes. Il faut le voir la truffe à terre, sous les chênes truffiers, marquer subitement l’emplacement d’un simple coup de patte. Certains chiens n’hésitent pas à creuser le sol pour déterrer le précieux tubercule. Le trufficulteur doit alors vérifier la maturité, à l’odeur et à la couleur bien noire. Car une truffe précoce n’a aucune saveur. C’est une truffe perdue. Vient ensuite le moment de l’extraire des racines de l’arbre, avec minutie et délicatesse, sans l’abimer, en ménageant le sol afin que le mycélium puisse produire d’autres truffes l’année suivante.
Une année en truffière
A la fin de saison du cavage, le travail du trufficulteur ne s’arrête pas pour autant. Il doit tailler les arbres et les rejets, éliminer les bois morts et travailler la terre. Au printemps, la mélano naît dans le sol, tandis que la Tuber aestivum, la truffe d’été, peut commencer à être récoltée. Durant tout l’été, les arbres, paillés et irrigués avec parcimonie, permettent à la truffe noire et à la truffe brumale de se développer. A la fin août, elles font une croissance phénoménale en une dizaine de jours seulement. En témoignent les fentes qui craquellent le sol et qui permettent au trufficulteur de déterminer le poids quasi définitif de sa production. Alors que la récolte de la truffe brumale débute en novembre, la mélano s’est arrêtée de grossir et profite de ses dernières semaines pour mûrir. Neuf mois auront suffi au diamant noir de développer sa saveur unique. A la grande satisfaction de nos papilles.
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Un week-end truffé de gourmandise
A l’Auberge de la Truffe, située à Sorges, l’or noir du pays est l’objet d’une passion. Celle du chef Pierre Corre qu’il vous fera partager avec sa gentillesse et sa générosité, autour de recettes authentiques aux riches parfums du terroir. Consommé à la râpée de truffe, œufs brouillés aux truffes, millefeuille de foie gras poêlé et de pommes sauce à la truffe, noix de Saint Jacques en écaille de truffes, feuilleté à la truffe et sa purée de pommes de terre, sabayon, glace… jusqu’au dessert, la truffe est partout, enivrante et gourmande.
Au programme du week-end découverte : balade au marché, cours de cuisine, visite de l’Ecomusée de la truffe, cavage dans une truffière et dégustations dans un hôtel somptueux. J'en garde pour ma part un souvenir inoubliable.
Week-end découverte, de novembre à avril, Auberge de la truffe, 24420 Sorges, tél 05.53.05.02.05