En quête de champignons au coeur de la forêt d'Andaine
Vous avez envie de vivre un week-end dépaysant en pleine nature ? Vous souhaiteriez en connaître davantage sur les champignons ? Vous appréciez la gastronomie ? Que ce soit pour l'une des raisons, ou les trois, c'est le moment de vous évader au Manoir du Lys à Bagnoles de l'Orne pour un moment très "champignons".
Le Manoir du Lys est une institution dans cette petite station thermale ornaise située au coeur de la forêt d'Andaine et, plus encore, dans toute la Basse-Normandie. Une affaire de famille aujourd'hui tenu par Franck Quinton, le chef, son épouse, sa soeur et son beau-frère Yvon Lebailly, chef sommelier. Un restaurant gastronomique reconnu dans la région et étoilé (2 macarons) depuis 15 ans par le célèbre guide rouge et un hôtel 4 étoiles Relais du Silence qui porte bien son nom.
Ancien relais de chasse, l'hôtel-restaurant est niché dans un splendide parc de 3 hectares. Le bâtiment historique agrandi et restauré au fil des années accueille les sallles de restauration et de détente (bar, salle de billard, piscine...) et 23 chambres personnalisées récemment rénovées. Un pavillon annexe à l'architecture plus moderne et ponctué de bois offre 7 suites familiales avec terrasse et parking privatifs, et une vue imprenable sur la forêt et le gibier déambulant tranquillement au petit matin. L'idéal pour profiter d'un week-end instructif et ressourçant avec les enfants. Ma fille a adoré et a été très bien accueillie, y compris au restaurant, malgré ses réticences sur quelques plats proposés. Un détail pour certains, une importance capitale quand on est parent.
Tout commence le vendredi soir, le samedi matin ou le dimanche, selon la formule choisie. Marché en compagnie du chef, cours de cuisine et leçon d'accords mets/vins, cueillette accompagnée d'un mycologue, discussion autour de la récolte, déjeuners et dîners plus somptueux les uns que les autres ponctuent ce week-end.
Promenons-nous dans les bois...
Le soleil était de la partie pour nous ce week-end là. Quelle chance ! La forêt était splendide, les couleurs chatoyantes. Un vrai plaisir des yeux ! Armés de nos couteaux et de nos paniers, nous déambulions, tête baissée mais avec vigilance pour ne rien écraser, dans les sous-bois recouverts de champignons. Extraordinaire...
L'avantage d'une cueillette avec un expert, c'est qu'on peut oublier tout ce que l'on nous a dit depuis notre plus tendre enfance au sujet des champignons. Non, il est inutile de passer chez un pharmacien pour faire valider sa cueillette car, généralement, il n'y connaît rien ! Mieux vaut faire appel à un mycologue. Non, les champignons à anneau mobile ne sont pas les seuls comestibles (ou inversement, selon son pharmacien) car l'anneau protège l'appareil reproducteur et c'est tout ! Ainsi une coulemmelle est comestible, une amanite phalloïde, non ! Oui, on peut éplucher les champignons dont on est sûr (que l'on reconnait sans aucun doute) sur place pour favoriser leur reproduction l'année suivante. Non, on ne porte pas les mains à la bouche lors de la cueillette tant qu'on ne se les est pas lavées car beaucoup de champignons sont de faux-amis...
Durant notre balade, nous avons "fait la connaissance" de plusieurs espèces de champignons :
- la russule, très répandue dans les bois et forêts, qui comptent des centaines d'espèces mais dont peu sont bonnes, la plupart immangeables, quelques-unes étant toxiques,
- la chanterelle à tube creux,
- et dans la même famille, la girolle,
- le bolet à pied rouge (erythropus), surnommé "la récompense du mycologue", reconnaissable à son chapeau et son pied rouge et à sa chair bleuissante au contact et à la coupe, qui est délicieux mais doit se consommer cuit au moins 15 mn pour éviter toute toxicité,
à ne pas confondre avec le bolet à beau pied qui est immangeable,
Les bolets sont sans doute les plus connus, reconnaissables avec leur chapeau bien rond. Dans cette famille, seules 5 espèces ont droit à l'appellation "cèpes" dont le pinocola qui pousse sous les pins et se distingue par un chapeau marron et l'edulis, plus connu sous le nom de "cèpe de Bordeaux", que l'on trouve aussi bien sous les chênes (saveur plus douce) que les sapins ( saveur légèrement plus acide).
- l'amanite rougissante ou vineuse ou encore golmotte, une très bonne variété après cuisson, qui se distingue par un chapeau parsemé de verrues,
- le sparassis, qui ressemble à un corail et pousse sous les grands pins
- le cortinaire violet, une espèce protégée, qui se déguste jeune lorsque le chapeau est encore rond mais possède une odeur très forte,
- le laccaire améthyste, complètement de couleur proupre,
- le coprin chevelu, qui se désagrège en quelque heures et ne doit pas être consommé avec du vin sous peine de crispations faciales,
Au retour de la cueillette, chacun avait son panier bien garni. Un chouette souvenir à rapporter à la maison !
Aux fourneaux
En une heure de cours, Franck Quinton nous inonde d'informations gourmandes et pratiques sur la cuisine du champignon.
"Ainsi, saviez-vous que les champignons ne se lavent pas mais se nettoient avec une brosse humide, excepté pour les morilles, les trompettes de la mort, les sparassis ou les pieds de mouton qui sont suffisamment fermes. C'est qu'à l'état naturel, les champignons sont propres et ce n'est que dans le panier, lors de la cueillette, qu'ils se salissent entre eux (voire qu'ils s'intoxiquent). Il suffit ensuite de les éponger avec un torchon ou dans une essoreuse à salade.
Pour les conserver, les champignons doivent être stockés, dans le frigo, à l'air libre et non enfermés dans une boite, idéalement dans les 36 à 48 heures, pas plus, car ils ont tendance à capter les bonnes comme les mauvaises odeurs et à se ternir assez rapidement. Mieux vaut cueillir la quantité nécessaire au nombre de convives que de rapporter des paniers pleins qui finissent à la poubelle. Ou plutôt sur le gazon, histoire d'en retrouver les années suivantes si la terre est propice.
Selon Franck Quinton, les 3 mots d'ordre pour les cuisiner, c'est la SIMPLICITE du plat, la RAPIDITE de cuisson (dont le temps est variable en fonction de la quantité d'eau dans les champignons) et l'INSTANTANEITE de la dégustation.
Un principe applicable par exemple, aux cèpes. Le meilleur étant le chapeau, plus parfumé que le pied, l'idéal est de couper le champignon dans sa longueur pour que tous les convives profitent de son parfum. Et comme on sait aujourd'hui que, consommé cru, le cèpe est toxique en grande quantité, un passage sous une salamandre ou un grill quelques minutes suffit à pallier ce problème.
Le sparassis, quant à lui, est difficile à laver correctement. En le coupant en brunoise, on évite ce désagrement et on raccourcit le temps de cuisson : à la poêle, 10 mn suffisent.
Si les trompettes de la mort ne nécessitent aucune taille, les pieds de mouton, quant à eux, doivent être coupés en conservant leur forme initiale. Pour limiter l'amertume, ils doivent être cuits à la poêle, sans être saisis mais en démarrant à froid. Les échalotes ciselées, le laurier et les herbes sont ajoutés ensuite dans l'eau de végétation.
Quand à l'assaisonnement, pour les pieds de mouton comme les autres champignons, il se fait en fin de cuisson. En effet, les champignons réduisant en cours de cuisson, ils seraient trop salés. Contrairement à ce qu'on entend parfois, le sel n'a aucune incidence sur la quantité d'eau de végétation. Quant au poivre, il est inutile.
Enfin, si les champignons frais sont inévitables dans une omelette, mieux vaut privilégier des spécimens séchés pour réaliser un risotto ou du pain. Et cuire des pâtes ou des pommes de terre dans l'eau de réhydratation n'a pas son pareil pour apporter le parfum des champignons aux féculents."
Installés dans les cuisines du restaurant, alors que la brigade s'active pour préparer le déjeuner, nous nous délectons devant les plats qu'enchainent le chef : cèpes à l'huile d'olive, sparassis à la crème, pieds de mouton poêlés aux herbes, trompettes de la mort aux filaments de jambon ibérique et huile de noisette... Les gestes sont rapides et précis, le débit de paroles est impressionant et le résultat est au rendez-vous : l'assiette de champignons est simple, goûteuse, délicieuse. La nature est là telle qu'on l'apprécie.
cèpes à l'huile d'olive juste passés sous la salamandre
sparassis à la crème de Normandie
pieds de mouton et échalote émincée
Quand la Normandie passe à table...
... nos papilles sont émoustillées. Il faut goûter, entre autres, le colvert en brochette, toute juste saisi, accompagné de mâche et de girolles, le velouté de cèpe rehaussé d'un subtil espuma de jambin ibérique, le cabillaud au lait de coco, Coco de Paimpol et trompettes de la mort dont la verveine citronnée relève le tout avec fraicheur et délicatesse, le quasi de veau au millefeuille de polenta et de pied de veau et sa tartine d'huître de Normandie, le macaron dont la crème aux champignons des bois et le sorbet aux trompettes sont simplement mortels !, le p'tit beurre aux pommes confites et sauce caramel au beurre salé qui nous fait immédiatement retomber en enfance (normande, ça va de soi)...
Cèpe en velouté, espuma de jambon ibérique
Colvert en salade de mâche et girolles,
sauce butternut/poivre de Sichuan/fruits d'automne
Cabillaud de côte en velouté de Coco de Paimpol au lait de coco et trompettes,
infusion et huile de verveine citronnée
Echine de cochon piquée aux champignons et cromesqui de rizotto
P'tit Beurre, pommes confites / manzana / caramel au beurre salé au poivre de Sichuan
Macaron, crème tendre et champignons des bois, sorbet trompettes
Dans cette salle de restaurant, décorée avec goût, mêlant meubles régionaux et objets d'art contemporain, le charme opère. Au fil des repas, ponctués de poésie et de délicatesse, on se laisse transporter par le talent du maître des lieux. On va de surprise en surprise. Rien ne se ressemble, chaque plat porte sa propre signature. C'est divin !
Je ne saurai trop vous recommander cette adresse merveilleuse. Merci à Mmes et MM. Quinton et Lebailly pour leur accueil exceptionnel et le week-end inoubliable qu'ils nous ont fait vivre. Merci à Pauline qui nous a permis d'y accéder.
Le Manoir du Lys - Route de Juvigny - La Croix Gautier - 61140 Bagnoles-de-l'Orne
Tél. 02 33 37 80 69
Les wek-ends champignons se déroulent tous les week-ends du 26 septembre au 2 novembre 2014, selon 4 formules de 90€ à 420€.