Incontournable Espérance
Parmi les grandes tables françaises, il y en a une que je souhaitais faire depuis des années, celle du chef autrefois triplement étoilé Marc Meneau. Profitant d'un coffret cadeau Relais & Châteaux, l'occasion était toute trouvée !
C'est, néanmoins, non sans une certaine appréhension (souvenir de l'accueil qui nous avait été réservé dans un non moins célèbre établissement) que nous nous sommes rendus sous une pluie battante à Saint-Père en Vézelay, à seulement deux heures de Paris en voiture. Les guirlandes illuminant la façade imposante de la bâtisse principale (une annexe de l'hôtel est située de l'autre côté de la route, en face) lui donnaient fière allure dans la nuit tombante de ce début décembre. Le voiturier venu à notre rencontre, un parapluie grand ouvert pour nous conduire jusqu'à l'entrée, laissait présager d'un certain savoir-vivre. L'accueil souriant, la décoration très cosy à la réception ne gâchaient pas notre plaisir de nous retrouver dans une maison aussi mythique !
Malheureusement, une fois arrivés dans notre chambre, nous sommes rapidement redescendus sur terre ! Et l'envie de redescendre tout court était bien grande ! La chambre, malgré un tarif assez élevé (180€ la nuit) n'avait rien de comparable avec celles figurant en photo sur le site ! Apparemment, sur les 31 chambres de l'établissement, nous étions tombés sur celle habituellement laissée au petit personnel... J'avais beau chercher, mais je n'avais pas l'impression d'être dans une "chambre chaleureuse, authentique, aux meubles anciens et tissus fleuris." Ah si, "ancien" peut-être, pour ce qui est du papier peint décollé et arraché derrière les rideaux. Pour ce qui est de la salle de bain aussi : avec meubles sous lavabo et tablier de baignoire d'époque (mais laquelle ?), en véritable aggloméré, comme l'armoire dans la chambre ! "Authentique", également, eu égard aux nombreuses toiles d'araignée dans les abats-jours et les coins des murs, ou encore les traces de moisissure un peu partout, sous les fenêtres, dans les joints de carrelage... Dans pareille circonstance, mieux valait être bien accompagnée car, par une soirée aussi pluvieuse, l'endroit avait de quoi nous faire sévèrement déprimer !
Heureusement, l'heure du dîner approchait et c'est avec un plaisir non dissimulé (et l'estomac commençant à crier famine) que nous avons rejoint le bar. La déco contemporaine, sobre et chaleureuse nous a immédiatement transportés dans un autre monde, celui de la haute gastronomie. Et ce, dès l'apéritif. Une assiette composée d'une crevette poêlé, de gressins, d'une bille de boudin blanc, de radis noir râpé, de germes de luzerne et de purée de potiron accompagnait notre cocktail. Installés à côté du piano à queue, c'est assis dans des fauteuils profonds recouverts d'un plaid en fourrure que nous avons apprécié cette mise en bouche, certes curieuse, mais légère, inventive et au final intéressante !
C'est aussi dans ce salon qui se voulait intimiste que nous avons pris conscience du ballet bientôt incessant des serveurs. Un mouvement rapidement fatigant et agaçant que nous avons malheureusement retrouvé en salle. Car, autant le dire dès à présent, malgré un dîner somptueux, le manque de discrétion des serveurs qui plus est, très nombreux, et leurs attentions trop présentes nous ont laissé un goût amer. Jamais je n'ai également autant vu un chef en salle. Madame était d'ailleurs aussi de la partie. A chaque plat, chacun y venait de son "tout va comme vous le souhaitez ?", "ça vous plait ?"... Si parler avec un chef est très agréable (Marc Meneau est très gentil, attentif à nos questions et nos suggestions, non avare sur ses petits secrets de chef !), pourtant il arrive un moment où on a juste envie de sortir le panneau "do not disturb" !
Fermons la parenthèse et revenons à nos moutons - ou plutôt à notre repas !
J'ai malheureusement oublié de prendre en photo l'entrée : une déclinaison de harengs, en 3 apprêts - au vin blanc, en carpaccio et dans un bouillon de de légumes et jus de betteraves crues. Un plat très recherché qui annoblissait un poisson malheureusement délaissé. A l'oeil, une très belle assiette ; en bouche, une explosion de saveurs et un bel accord avec un jurançon sec, 2002, du domaine Charles Hours.
Pour le plat, notre choix s'est porté sans hésitation sur le gibier, pour lequel la réputation du chef Meneau n'est plus à faire : une raviole au cacao ouverte et garnie de lièvre et foie gras poêlé, accompagnée de légumes racines. Un sans faute pour ce plat traditionnel revisité ! La cuisson était parfaite, la sauce délicieuse, les produits somptueux : un vrai travail d'orfèvre. Servi avec un bourgogne Pinot noir 2007, du domaine Naudin Ferrand, ce plat me laissera un souvenir impérissable.
Le ventre déjà bien rempli, nous avons eu droit à une belle part de salers de 18 mois accompagnée d'une salade de céleri et de pomme granny râpés. Un service que je n'ai pas vraiment apprécié, préférant choisir le fromage parmi un bel assortiment, n'étant pas fan de salers et encore moins de céleri (que je déteste en réalité, même préparé par un chef !). Mais ce n'est pas bien grave car, tellement repue, je me serais bien passée de fromages.
Pour finir le dîner (enfin presque !), des fruits semblaient de circonstance. Seulement, on ne s'attendait pas à une telle opulence ! Un ananas Victoria (entier !) rôti à l'huile de Crète, proposé avec un parfait au rhum et aux raisins secs et des palmiers, ou bien un gâteau de pommes granny smith confit à l'orange (seulement un quart sur la photo ci-dessous) accompagné d'une tranche de pain perdu et d'une quenelle de crème. Rien que ça ! Inutile d'ajouter que nous n'avons malheureusement pas pu tout avalé ! Dommage car c'était délicieux...
Et comme si ça ne suffisait pas, une assiette de mignardises suivait : meringues au café, tartelettes à la mandarine, crème au potiron (un délice de douceur), macarons banane-vanille, guimauves à la framboise et bouchées à la griotte et à la ganache à la pistache. Un supplice pour la gourmande que je suis !
Pour digérer, les serveurs nous ont ensuite proposé un café servi au coin du feu, dans le salon bibliothèque. Une assiette de chocolats les accompagnait que nous n'avons pas touchée ! Repus, nous sommes ensuite partis nous coucher. Il fallait être en forme pour avaler le petit-déjeuner tout aussi copieux et délicieux du lendemain matin !
Au final, l'Espérance est une très belle table qui mérite largement ses deux macarons - et même trois. Malheureusement, l'endroit est à l'image des propriétaires : veillissant (n'y voyez aucun sarcasme, ni méchanceté). Si certaines salles ont été entièrement redécorées, mieux vaut ne pas s'attarder sur les détails : une verrière qui fuit, des rallonges électriques qui trainent au sol, des chambres qui, pour certaines, ne méritent pas d'être étoilées, un ménage rapidement effectué, un service pesant. Et, comme toujours avec les coffrets cadeaux Relais & Châteaux, une prestation très décevante ! Pourquoi réserver un si mauvais accueil hôtelier à des clients qui paient en chèque-cadeaux ? C'est vraiment dommage... Finalement, avec des coffrets, mieux vaut miser sur de bonnes tables qui rattrapent le coup sur la piètre qualité des chambres !
L'Espérance - Marc Meneau
89450 SAINT PERE EN VEZELAY - Tel : +33 (0)3 86 33 39 10