La quetsche devrait bientôt disparaître des étals... jusqu'à l'été prochain. Alors, mieux vaut en profiter. D'autant que son prix a sérieusement diminué (1,80€ le kg la semaine dernière sur le marché de Sucy en Brie). Ce week-end, chez nous, elles ont pris la direction du four, version tarte renversée.
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Tout le monde connaît la spécialité des sœurs Tatin, cette tarte qui, en cuisant sens dessus dessous, laisse s’exhaler le doux parfum des pommes caramélisées. Mais pourquoi restreindre ce dessert renversant aux seules pommes ? La tarte Tatin s’invite à nos tables en toutes occasions, lors de dîners festifs comme au quotidien. Rapide et facile à réaliser, elle mérite cependant quelques attentions pour ne pas se louper. Une fois maîtrisée, à l’instar de la quiche, elle se décline à volonté.
La tarte originelle
Des pommes, de la pâte brisée, du beurre et du sucre : tels sont les ingrédients mentionnés dans le célèbre guide de cuisine régionale La France gastronomique de Curnonsky et Marcel Rouff, paru en 1926. Des ingrédients simples, à portée de tous. La Reine des reinettes a la préférence de ce dessert. Mais la Carville, la Reinette du Canada ou la Belle de Boskoop conviennent tout aussi bien. Contrairement à la tarte classique, les pommes ne sont pas coupées en tranches ou en rondelles mais en quartiers, déposés côté bombé, dans le fond du moule en une couche. Le résultat dépend de la grosseur des morceaux, mais il convient de les détailler suffisamment gros pour qu’ils gardent de la consistance à la sortie du four. La recette originale stipule d’enduire le moule au préalable « d’une forte couche de beurre, puis d’une autre d’un centimètre d’épaisseur de sucre en poudre ». Et ajoute de « mettre encore un peu de beurre et de sucre sur les quartiers de pommes et de recouvrir le tout d’une pâte brisée de l’épaisseur d’un sou. » Si, au temps des sœurs Tatin, la tarte cuit 20 à 25 minutes, dans un four de campagne en tôle sur les braises, aujourd’hui, c’est le four, préchauffé à 200° qui donne toute satisfaction. La tarte est cuite quand, en soulevant le bord de la pâte avec un couteau, les fruits sont bien dorés et le sucre légèrement caramélisé. Rien de bien compliqué, donc. Tout se joue pendant la cuisson, y compris la caramélisation.
Des variantes sucrées…
Peut-on avouer sans trop commettre d’impairs que tous les fruits se plaisent en tarte renversée ? Encore faut-il, bien sûr, les préférer très parfumés mais pas trop mûrs (surtout pour les plus juteux) pour qu’ils ne se délitent pas. Les quetsches, les poires, les abricots et les pêches de vigne sont simplement coupés en deux. Les mirabelles, les myrtilles et le raisin sont dispersés, entiers, dans le fond du moule. Détaillée en fines lamelles, la mangue est intéressante car sa chair résiste bien à la cuisson à l’étouffée. Associée à la fraise ou à l’abricot, la rhubarbe profite du caramel et perd son acidité. A la mauvaise saison, pas question d’abandonner la tarte renversée : coings, ananas, kiwis et bananes font des merveilles.
…et salées
La pomme, tout comme la mangue ou la tomate, font d’excellentes tartes salées, associées à du boudin noir, de l’andouille, du lard… Et de là à les remplacer par des légumes, il n’y a qu’un pas ! Car beaucoup d’entre eux peuvent caraméliser grâce à leur sucre naturel : carottes, panais, oignons, échalotes, navets, fenouil… D’autres s’accommodent traditionnellement bien de saveurs sucrées comme l’endive, la pomme de terre, l’aubergine, le poireau, la courgette ou le chou rouge. Un corps gras, beurre ou poitrine fumée, est néanmoins nécessaire pour favoriser la caramélisation. À la différence des fruits, les légumes doivent être précuits. Une fois pelés et découpés, ils sont blanchis, poêlés ou rôtis quelques minutes. Mais pas trop : ils doivent rester fermes.
Disposés dans le fond du moule généreusement beurré, tapissé de lard ou enduit de caramel, fruits et légumes peuvent être rehaussés de fromage : la courgette de brousse, la pomme de terre de reblochon, l’endive de chèvre, la pomme de camembert, la tomate de mozzarella… Les poissons et fruits de mer y ont aussi une place de choix : le saumon fumé se marie avec le poireau, la noix de Saint-Jacques avec l’endive… L’imagination fait le reste !
De l’importance du moule
D’après Curnonsky et Marcel Rouff, c’est « un plat de cuivre étamé, d’environ 6 cm de profondeur » qui est employé pour la recette authentique. Aujourd’hui oublié de nos cuisines, il est remplacé par de l’alu, de l’inox, de la terre, de la porcelaine, voire du silicone… Peu importe la matière pourvu que le moule résiste à la chaleur du four (200°). Ce qu’il faut avant tout, c’est un moule aux rebords bien hauts. Oubliez le moule à tarte, et plus encore les modèles à fond amovible, celui à manqué est de toute évidence le plus approprié.
Le choix de la pâte
Quelle que soit la tarte renversée, la pâte brisée et celle à foncer sont sûrement celles qui conviennent le mieux. Comptez 100g de beurre pour 200 de farine et, à défaut de beurre salé, une pincée de sel pour éviter la fadeur. Sablez le tout avant d’ajouter un demi-verre d’eau (et un jaune d’œuf pour la pâte brisée) et de fraiser. Variez la pâte en fonction de la garniture : vanille, chocolat en poudre (délicieux avec la tarte renversée aux poires ou à la banane), herbes de Provence… Certaines recettes s’apprêtent mieux à une pâte feuilletée. Dans ce cas, préférez des parures de feuilletage qui ne se développent pas à la cuisson. Et pourquoi ne pas opter pour une pâte à pizza ou à pain dont le pouvoir d’absorption est idéal pour les garnitures à base de tomates ?
L’art de démouler
Finalement, c’est seulement au moment du démoulage qu’on sait si une tarte renversée est réussie. Et c’est donc l’étape la plus délicate : ni la pâte, ni la garniture ne doivent adhérer au moule. Trois tours de main peuvent éviter ces désagréments. Tout d’abord, le caramel doit bien être réparti dans le moule. Pour cela, il suffit de beurrer uniformément le fond du plat. Ou bien de préparer un caramel à sec (du sucre seulement) avant de garnir, directement dans le moule ou une casserole, sur le feu et de bien en enduire le fond. Par ailleurs, à la sortie du four, la tarte doit absolument reposer 10 minutes (20 si la garniture a rendu un peu d’eau). Enfin, les bords de la tarte doivent être décollés à l’aide d’un petit couteau passé tout autour du moule. Il suffit ensuite de recouvrir la tarte d’un plat de présentation, un peu plus grand que le moule et avec un léger rebord pour éviter que le caramel ne déborde, et de retourner le tout d’un geste franc. Bien franc…
Les quetsches sont l'un des mes fruits préférées...
Je vais tenter cette recette ce dimanche, à voir ...