J’vous ai apporté des bonbons
Parce que les roses sont périssables, on eut un jour l’excellente idée de les cristalliser. Et de confire les fruits frais. La Provence s’en est fait la spécialité que la confiserie Florian, dernière du pays niçois, perpétue depuis un demi-siècle.
La confiserie est installée dans les Gorges du Loup depuis 1949. Des visites guidées y sont organisées toute l’année. ©Florian
A quelques kilomètres de Grasse et de Saint-Paul de Vence, nichée entre le torrent des Gorges du Loup et la montagne de l’arrière-pays, la confiserie Florian vit au rythme des fruits et des fleurs de la région, dans les effluves de sirop de sucre et de miel. C’est que la Provence jouit d’un extraordinaire verger baigné de soleil toute l’année ou presque.
Les confitures et les fruits confits régalent les papes d’Avignon qui leur donnent leur essor dès le XIVème siècle. À partir de la Révolution, Apt devient même la marmite des confitures sèches et des fruits confits du Lubéron et figure, encore aujourd’hui, comme le premier producteur au monde de fruits confits, exportant 70% de sa fabrication dans 60 pays du monde. Et que dire des amandes de Provence dont la qualité est reconnue dès le XIXème siècle et qui a donné naissance aux nougats et aux calissons ? Ou encore des fleurs qui ont fait la renommée des parfums de Grasse et ont permis à un certain Monsieur Nègre, confiseur grassois, d’inventer les pétales cristallisés dans les années 1850, lui qui était déjà à l’origine des bonbons acidulés ?
La confiserie des Gorges du Loup s’en fait la spécialité dès sa création. On est en 1949, et c’est Georges Fuchs, fils du directeur de la parfumerie Fragonard jusqu’alors implantée dans ces bâtiments, qui rachète les cuves à confiture en cuivre et les terrines en terre cuite de la fameuse Confiserie Nègre et lance cette maison. Témoin de cette époque mythique, la confiserie familiale (aujourd’hui dirigée par les petits-enfants de Georges) travaille encore des tonnes de fruits et de fleurs fraiches.
L’art de cristalliser les fleurs fraiches
En déambulant dans l’atelier des fleurs cristallisées, on est envahi par un doux parfum de violette. Il s’agit de la Victoria de Tourrettes sur Loup. Fraîchement cueillies le matin par les producteurs locaux, les fleurs sont triées et nettoyées à la main, une par une. Puis elles sont mélangées à de la gomme arabique, de la sève d’acacia qui sert de colle et d’épaississant, avant d’être roulées délicatement dans du sucre glace. Vient alors le moment de les sécher en étuve.
Très délicates, les fleurs sont travaillées uniquement à la main. ©Florian
Il faut environ 5 jours pour que le cœur de la fleur soit bien sec. Les violettes sont ensuite baignées une demi-journée dans un mélange d’eau, de sucre et de colorants naturels : le sucre candi. Puis de nouveau égouttées et mises à sécher sur des grilles. Deux jours plus tard, elles se sont cristallisées au contact de l’air.
Leur couleur, restée intacte, et leur forme ne bougeront plus. 500 kg de violettes sont ainsi transformées jusqu’en mars. Puis ce sera la rose Tango de Vence et la verveine du Plan de Grasse : 2 tonnes de fleurs de l’une et 150 kg de feuilles du second seront cristallisés jusqu’en septembre. Tous seront vendus tels quels ou entreront dans la composition de douces créations comme les tablettes de chocolat, le nougat et les calissons.
Les fleurs cristallisées se dégustent telles quelles, comme un bonbon.
Elles s’apprécient aussi dans une coupe de champagne pour le parfumer subtilement. ©Florian
Au royaume des fruits confits
Dans l’atelier des fruits, les agrumes sont rois toute l’année. En ce moment, ce sont la mandarine de Vallauris, l’orange amère de Tourrettes sur Loup et le citron de Menton qui, sous les mains des confiseurs, sont délicieusement confits et glacés. D’avril à septembre, ce sera le tour du pamplemousse de Nice, puis d’octobre à janvier, de la bergamote et de la clémentine de Menton et des cédrats de Corse et d’Italie. Sans oublier tout l’été, les fruits du verger : abricots, pêches et Reine-claude du Languedoc Roussillon, Bigarreau d’Apt, figues blanches de Vence et de Solliès-Pont, melons de Cavaillon…
La fabrication des fruits confits est un travail délicat de patience et de précision. Le but est de remplacer, par osmose, l’eau contenu dans le fruit par du sucre. D’abord passé à la vapeur à 110° pour être ramolli, le fruit est plongé dans un sirop de sucre à plusieurs reprises, en augmentant à chaque fois la teneur en sucre et la température du sirop, sans en altérer ni le goût, ni la structure.
La confiserie Florian produit environ 10 tonnes de clémentines confites par an.©Florian
Les clémentines, produit phare de la maison, sont ainsi plongées 3 minutes tous les 2 jours pendant 45 jours. Dernière étape, et non des moindres, le glaçage, réalisé au fur et à mesure des besoins, qui permet de former une fine pellicule qui protègera le fruit pendant 7 à 9 mois. Au lieu d’être glacés, certains fruits confits sont plongés dans du chocolat. A l’instar des fameuses orangettes dont le peintre Matisse était un sérieux client.
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Confiserie Florian
Le Pont du Loup - 06140 - Tourrettes-sur-Loup