La Fourme d’Ambert, le plus doux des bleus
Sur les monts du Forez, rares sont les producteurs fermiers de Fourme d’Ambert. Rencontre avec Gwenaëlle et Julien Rodary, installés à Ambert, berceau de l’AOP.
A la ferme de l’Ambertoise, la Fourme d’Ambert AOP est fabriquée dans la plus pure tradition cantalou, par les femmes. C’est en effet Gwenaëlle qui l’élabore avec le lait de la traite de la veille au soir et celle du matin. A une différence près : autrefois la Fourme d’Ambert était fabriqué l’été, dans les jasseries, des fermes d’estive au toit de chaume. Aujourd’hui, ces fermes jalonnent encore les monts du Forez mais ont été abandonnées ou restaurées en résidences secondaires. Les fromageries - sept dans la zone d’appellation – ont remplacées les jasseries et, depuis quelques années, des producteurs fermiers se sont remis à fabriquer la Fourme d’Ambert. Quatre seulement pour le moment. Il faut dire que, pour obtenir une forme harmonieuse et un persillage équilibré, il faut maîtriser de grandes techniques fromagères, issues d’un savoir-ancestral. Après une première expérience dans l’hôtellerie, les Rodary sont donc de ceux qui ont décidé de reprendre la ferme familiale et de se former au métier de fromager.
Logis où se fabriquait la Fourme d’Ambert à un bout, étable séparée par une cloison en bois à l’autre,
fenil pour conserver le foin sous les toits,
la jasserie était située dans les montagnes, à l’abri du vent et à proximité d’une source.
Au premier jour…
Chaque matin, c’est le même rituel pour Gwenaëlle. Direction sa fromagerie flambant neuve où elle va passer sa matinée à plonger les mains dans le caillé, à mouler, à piquer ou à retourner les fromages et, toujours, les yeux fixés sur la pendule. Car le temps est un facteur important de la réussite du précieux fromage bleu. Chaque étape est donc chronométrée. Pas à la seconde près bien sûr, mais quelques minutes de plus ou de moins et la cuve est perdue.
La fabrication de la Fourme d’Ambert commence toujours de la même façon : Gwenaëlle mélange le lait réfrigéré de la veille à celui que Julien vient de traire, dans la salle située un étage en-dessous. Près de 1200 litres sont alors chauffés à 34° dans une cuve en inox ouverte et ensemencés avec des ferments dont le Penicilium Roqueforti. A la différence du Peniciliium Camemberti qui ne change pas la couleur du lait, ce champignon extrait du seigle donnera au fromage son persillé bleu. Après une heure à heure et demi à 34°, Gwenaëlle ajoute la présure et laisse reposer le lait une heure, le temps qu’il coagule. Vient alors le moment de le « décailler ». Une étape manuelle suffisamment physique pour que Julien vienne l’épauler. Le caillé est découpé à l’aide d’une sorte de grand peigne. Un passage dans la longueur de la cuve, un autre dans la largeur, suffisent à casser le lait coagulé qui est ensuite brassé à quatre bras puis avec des pâles électriques pendant presqu’une heure et demi.
Petit à petit, le caillé va se transformer en grains « coiffés » d’une fine pellicule qui les protègera et maintiendra des ouvertures entre eux, lors du moulage. Des ouvertures indispensables pour faire circuler l’air à l’intérieur du fromage et permettre au penicilium de se développer.
le brassage permet d'obtenir des petits grains de caillé "coiffés"
Du caillé à la Fourme d’Ambert
Une fois le brassage terminé, Gwenaëlle et Julien n’ont que 15 minutes pour mettre en moules avant que le caillé ne se tasse. Une course contre la montre pendant laquelle le petit-lait est séparé des grains de caillé, qui sont répartis à la main dans 60 faisselles.
Il faut 19 litres de lait pour une fourme d'environ 2kg
Les fromages sont ensuite mis à égoutter dans une salle plus chaude et sont retournés quatre fois, à deux heures d’intervalle, durant la première journée, puis une fois le lendemain matin et soir. Délicatement démoulés, les fromages sont ensuite placés dans une salle à 10° où ils sont salés au sel sec et laissés au repos pendant 2 jours.
le salage ©SIFAM
A compter du 4ème jour, Gwenaëlle pique les fromages de toutes parts à l’aide de longues aiguilles, pour y faire entrer l’air et favoriser les moisissures.
le piquage à la fromagerie de Saint-Flour ©SIFAM
Un affinage en douceur
Dix jours vont être nécessaires au Penicilium pour se répartir dans le fromage. Peut alors débuter l’affinage en cave à 7/10°. Un minimum de 28 jours est requis pour l’AOP. Retournés à plusieurs reprises pour conserver leur forme, frottés afin de favoriser encore et toujours le développement du penicilium, les Fourmes d’Ambert qui font alors 2kg sont emballés dans une feuille d’aluminium et conserver à 4° minimum. Une différence de taille avec le bleu des Causses ou le Roquefort qui sont placés à -1° dans un emballage en plomb pour stopper les moisissures.
Une fois affinée, une Fourme d'Ambert AOP doit mesurer entre 17 et 21 cm de hauteur
et 12,5 et 14 cm de diamètre pour 1,9 à 2,5 kg ©SIFAM
Avant de livrer ses fromages aux collectivités, restaurants et magasins locaux, ou de les mettre en vente dans le magasin de la ferme, Gwenaëlle préfère pousser l’affinage jusqu’à 2 mois pour obtenir des fromages aromatiques, au bon goût de lait.
A la différence de sa version laitière fabriquée à partir d’un mélange de lait provenant de plusieurs fermes et de 4 traites maximum,
la Fourme d’Ambert fermière n’est faite qu’avec le lait de la ferme des traites de la veille au soir et du matin.
Le pâturage, le bon goût du lait
Ce n’est pas un hasard si la Fourme développe une telle diversité aromatique. Entre 600 et 1600 mètres d’altitude, les 70 vaches laitières de la ferme de l’Ambertoise pâturent au moins 150 jours dans l’année et profitent ainsi d’une végétation dense et variée. L’hiver à l’étable, elles sont nourries exclusivement de fourrages provenant de l’exploitation.
Achillée, millefeuille, thym, serpolet, trèfle des Alpes, myrtille, genêt pointu, gentiane jaune… sont autant de plantes qui confèrent au fromage une pâte jaune, un goût affirmé et une texture souple. « Pas question pour nous de fabriquer des fromages au lait pasteurisés ! Nos Fourmes d’Ambert, comme nos tommes, sont le plus naturel qu’il soit, nous confie Gwenaëlle. C’est tellement gratifiant d’avoir des clients fidèles, qui nous félicitent pour nos produits ».
Chauffé à 34°, le lait n’est pas pasteurisé et donne son crémeux au fromage.
Où trouver leurs produits ?
Fourmes d’Ambert AOP, tommes grises, tommes blanches, tommes des neiges, tommes-fourmes et yaourts natures ou aromatisés, sont en vente toute l’année dans les supermarchés d’Ambert et de la région mais aussi directement à la ferme.
Si vous êtes dans la région, sachez que la Fourme d'Ambert part à la rencontre des estivants. Vous pourrez donc la savourer du 29 juin au 2 juillet au festival Europavox à Clermont-Ferrand, les 5 et 6 août aux Fourmofolies à Ambert et du 25 au 27 août au festival Rock en Seine à Paris.
Autrefois, on ajoutait directement du pain de seigle dans le lait.
Aujourd’hui, on préfère travailler avec des souches de Penicilium
sélectionnées pour donner une pâte onctueuse et douce. ©SIFAM
Fromagerie l’Ambertoise
Ligonne 63600 Ambert - tél. : 04 63 33 24 64
Magasin ouvert tous les matins du lundi au samedi de 8h30 à 12h et le vendredi de 14h à 19h.
www.fromagerielamberto.wix.com/ambertoise
Retrouvez ce reportage dans le magazine Papilles n°54, en vente actuellement aux caisses des supermarchés.