Alors que les pommes de terre sont plantées depuis quelques semaines dans nos potagers (à la floraison des lilas, dit-on), direction l’île vendéenne à l’occasion des 20 ans de la fête de la Bonnotte qui a eu lieu le 29 avril dernier.
A l’arrivée des beaux jours, sur l’île de Noirmoutier, la récolte de la Bonnotte débute par une fête. Il faut dire que c’est un moment marquant de la vie sur l’île que la Coopérative agricole a décidé de célébrer il y a 20 ans. Chaque année, début mai, trois milles curieux et gourmands sont ainsi invités à arracher cette précieuse pomme de terre sur une parcelle dédiée de 2000m2. A la fin de la matinée, 5 tonnes de pommes de terre primeurs sont ramassées à la main. Une technique remise au goût du jour en 1995 alors que la mécanisation avait eu raison de la culture de cette petite pomme de terre fragile dans les années 60.
© LA NOIRMOUTIER
Un mode de culture unique en son genre
Pour produire la Bonnotte, les 30 producteurs de l’île suivent un protocole strict, inscrit dans un référentiel Agriconfiance, qui démarre dès l’automne. « En septembre-octobre, nous explique Patrick Michaud producteur sur l’île depuis 17 ans et président de la Coopérative agricole de Noirmoutier, on prépare les parcelles comme le faisaient nos grands-parents, en ajoutant à la terre sablonneuse un compost tracé à base de fumier de bovin et du goémon. Cette algue riche en oligo-éléments permet d’assombrir le sol et de le réchauffer au moment de la pousse. »
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Une fois la terre naturellement amendée, il est alors temps de tracer les parcelles, autrement dit de façonner des « billons ». « C’est une technique particulière de l’île de Noirmoutier qui consiste à former des buttes de terre, deux par deux, sur 1,40m de largeur. Cela prend beaucoup de temps car nos parcelles sont petites, pas plus de 2000m2. Mais ça permet à l’eau de s’écouler facilement des champs durant l’hiver. » Plantées dans ces billons, les tubercules bénéficient ainsi d’une aération maximale et d’une obscurité totale. Ils souffrent également moins des pluies puisque les sols sont drainés rapidement.
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La plantation démarre à la Chandeleur. Comme chaque tubercule est planté à la main, cette étape s’étire jusqu’en avril. Au moment même où les premières feuilles pointent leur nez. De délicates fleurs blanches apparaissent quelques semaines plus tard. En terre, les tubercules naissent et grossissent. Le sol salé par les embruns est propice à la Bonnotte qui s’y épanouit et y puise sa saveur si particulière.
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Elle atteint le sommet de son goût 90 jours après la plantation. C’est alors le moment d’arracher les premiers tubercules. « J’ai 600 000 plants à installer sur 50 parcelles, souligne Patrick Michaud. Ce qui fait que lorsque je commence les premières récoltes de pommes de terre, j’ai à peine fini les plantations. Mais ce n’est pas un souci. Au contraire ! Cela permet d’étaler l’arrachage et la vente jusqu’au milieu de l’été. »
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La primeur des primeurs
Récoltée avant maturité, pendant quinze jours seulement, la Bonnotte se caractérise par une peau fine et délicate et un goût subtilement sucré. S’il est devenu l’ambassadeur de l’île, ce produit d’exception aurait pu ne jamais voir le jour sans un agriculteur normand débarqué sur l’île au début du siècle dernier. A l’origine, celle que l’on appelle indifféremment « bounotte », « bonnette » ou « bonnet » était cultivée à Barfleur et ses environs, dans la Manche. Mais elle se plait rapidement sur l’île de Noirmoutier. Il faut dire que la terre sableuse y est particulièrement fertile, que les hivers cléments alternent avec des étés tempérés, que le soleil y est bien présent dès le printemps et les pluies très faibles, les plus faibles de la côte Atlantique dit-on. De quoi profiter aux pommes de terre en général et aux plus délicates en particulier.
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Une île propice aux pommes de terre
Au fil des années, l’île de Noirmoutier s’est donc fait une spécialité des pommes de terre primeurs. Si, aujourd’hui, seuls 6 hectares sont réservés à la Bonnotte, soit environ 100 tonnes de production annuelle, près de 400 sont consacrées à des variétés de pommes de terre moins fragiles mais tout aussi convoitées. Toutes sont récoltées en primeur et sont commercialisées sous le nom de « la Noirmoutier ». « L’objectif de la Coopérative n’est pas de faire des pommes de terre à rendement mais avec du goût. C’est ce qui dicte le choix des variétés que nous cultivons. » Dès la fin mars et jusqu’à la mi-juin, la Sirtema est ainsi la première des primeurs à être récoltées sur l’île. Arrivée après-guerre, cette variété à chair blanche et sucrée est aussi la plus consommée. Après la récolte de la Bonnotte, la Iodéa s’impose cette année pour ses qualités gustatives fondantes et sa résistance naturelle à certains prédateurs. A la même époque et jusqu’en juillet, sont également récoltées l’Esmeralda, une pomme de terre à chair ferme fine et fondante, et la Lady Christ'l, une variété à la forme allongée, à la peau dorée et la chair jaune. Variété estivale de forme oblongue, à la chair ferme et blanche, la Charlotte clôture la récolte des primeurs à la mi-août. Les variétés se suivent et les récoltes ne se font qu’en fonction du carnet de commande de la Coopérative. « Nous n’avons pas de stock, souligne Patrick Michaud. Les pommes de terre sont récoltées, lavées, conditionnées et expédiées dans les 24 heures. » L’assurance de consommer une pomme de terre primeur ultra-fraîche.
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Plus d’infos sur www.lanoirmoutier.com
Retrouvez cet article dans le magazines Papilles n°52 d'avril-mai, en vente aux caisses des supermarchés. Un excellent numéro où nous vous emmenons aussi à la découverte du Calvados AOP et du Marais poitevin et où les recettes fleurent bon le printemps.