Fumé, le saumon donne le ton
Grand classique des repas festifs, le saumon est sans doute le plus consommé des poissons fumés durant toute l'année. Et c'est tant mieux parce que c'est bon. Pourtant, c'est aussi une espèce très (trop) produite dans laquelle on trouve le meilleur comme le pire... Et je sais de quoi je parle car depuis septembre, ces quelques mois ont pour moi été synonyme de bons comme de mauvais moments de dégustation. Grandes marques d'épicerie fine, marques de distributeurs, entreprises artisanales, j'ai goûté plusieurs dizaines de produits. Certains bien décevants malgré leur nom et leur prix, d'autres sans défaut mais pas transcendants, d'autres enfin * vraiment au-dessus du lot. Dans tous les cas, la qualité de la matière première et le savoir-faire font vraiment la différence.
D’abord fumé pour être conservé, le poisson ainsi préparé a fini par séduire nos papilles. Au point que depuis le Moyen-âge, certains ports français comme Boulogne sur Mer, Fécamp ou Dunkerque en ont fait leur spécialité. Il faut dire qu’en fumant, le saumon, mais aussi la truite, le hareng, l'églefin… gagnent en finesse – tant en arômes qu’en texture – tout en conservant leur goût naturel. Encore faut-il que le travail soit réalisé dans les règles de l’art…
Secrets de fumaison
Le fumage n’assurant pas une totale conservation à lui seul, le poisson frais est salé avant d’être fumé. Au préalable, il est paré et, si nécessaire, fileté à la main chez le fumeur.
A l’instar de la méthode industrielle qui consiste à injecter de la saumure dans le poisson – et du coup, à faire gonfler le poisson, son poids et in fine le prix de vente –, la salaison artisanale se réalise à la main, avec du sel sec de mer, ce qui permet au poisson de perdre l’eau qu’il contient et aux arômes de se concentrer. Les traiteurs ajoutent traditionnellement au sel du sucre, du miel ou des épices.
La fumaison traditionnelle se fait ensuite au fumoir, plutôt qu’au four électrique, à la sciure de hêtre vert et/ou de chêne, plus douce que celle d’aulne. Deux méthodes coexistent : à froid, par une combustion lente de à 28° maximum, ou à chaud, par une exposition à la fumée à plus de 60°.
Truites, harengs, anguilles, maquereaux sont toujours fumés à chaud, tandis que le saumon gagne à être fumé à froid. Les poissons peuvent être fumés à plat sur une grille ou à la verticale, à la ficelle, pour permette un meilleur écoulement des graisses et homogénéiser le fumage.
Dans tous les cas, plus la fumaison est lente et longue, plus la chair du poisson confit et les saveurs s’équilibrent.
Un saumon de qualité, c'est quoi ?
Meilleur pour le fumage que l'espèce du Pacifique (Oncorhynchus keta), le saumon de l’Atlantique (Salmo salar) est surtout issu d’élevages en Norvège, Écosse, Irlande, Danemark, Iles Faeroe, Tasmanie et Chili.
Des élevages industriels intensifs (dont la Norvège s’est largement fait la spécialité) aux petites fermes (notamment bios en Irlande, mais aussi en Ecosse ou dans le nord de la Norvège, là où les eaux sont plus froides et plus pures), il y a le pire (chair cotonneuse, fade et grasse de saumon à bas prix) comme le meilleur (saumon irlandais délicat et sans sensation de gras, norvégien fondant et moelleux, écossais ferme et moins « gras »).
Plus rare, le saumon sauvage pêché en mer Baltique, en Alaska et en France (dans l’Adour et l’Allier notamment) possède une chair plus claire, plus ferme et peu grasse.
Certains pensent que le saumon sauvage est forcément meilleur que celui d'élevage. En réalité, la distinction ne se fait pas à ce niveau. Car, il faut savoir que le saumon est un poisson qui stocke très bien les polluants. En grand migrateur, il a tout à loisir de naviguer dans des eaux saines ou polluées. Mieux vaut don un saumon d'élevage certifié de qualité qu'un saumon sauvage pollué ! On sait aujourd'hui que les mers les plus au nord sont encore saines. Les saumons sauvages de ces régions sont normalement corrects.
A l’achat
L’idéal est de se procurer son poisson fumé auprès d’un fumeur artisanal* ou d’un poissonnier de confiance qui connaît ses fournisseurs. Le saumon peut s’acheter entier, être tranché sous ses yeux ou acheté en morceaux : dos (le plus noble), ventre, queue.
Plus facile à conserver, le poisson vendu sous vide au supermarché nécessite une certaine vigilance. Inutile de se pencher sur la couleur du produit, qui varie selon son origine et son alimentation.
Mieux vaut se fier au prix tout d’abord, car le temps (3 à 4 jours pour un saumon fumé artisanal, 4h pour un industriel) et le savoir-faire du personnel pour fumer un poisson se paie. Les mentions telles que « salage au sel sec », « fumage au bois », « tranchage à la main » sont également de bonnes garanties. A noter que la découpe au laser nécessite un raidissement ou une congélation totale du poisson, obligatoirement indiquée sur les emballages sous les mentions « ne pas congeler » ou « produit décongelé ».
Le Label Rouge est un gage de qualité de l’élevage et de la transformation, le label Agriculture biologique garantit un élevage dans une ferme à taille humaine, respectueuse de l’environnement et avec une alimentation contrôlée.
La liste des ingrédients doit être réduite au strict minimum : saumon, sel. L’indication « fumée » par exemple indique que le poisson a subi des injections de fumée liquide. La présence d’eau dans l’emballage est d'ailleurs un signe d’injection de saumure. A fuir !
Il est par ailleurs possible de connaître le lieu exact de transformation, grâce à l’estampille sanitaire ovale présente sur l’étiquette : deux lettres indiquent le pays d’origine (FR pour la France, PL pour la Pologne…) et, pour la France, les deux premiers chiffres, le numéro de département.
Si après ça, vous ne faites pas le bon choix, alors j'arrête !
Côté dégustation
Un bon saumon fumé se suffit à lui même. Un bon pain de campagne légèrement toasté, éventuellement accompagné de pommes de terre, d'une bonne crème fraiche, et votre repas ressemble au petit Jésus en culotte de velours ! Aneth, ciboulette, baies roses, agrumes, mangue ou avocat s'accordent aussi très bien au saumon fumé apprêté en tartare. Découvrez d'autres façons de l'accommoder ici.
* Mes coups de coeur...
... pour le travail exceptionnel de l'entreprise SAFA installée depuis 1926 à Choisy le Roi et à Montreuil en région parisienne et, plus particulièrement, pour son saumon fumé sauvage de la Baltique et celui d'élevage bio d'Irlande. Vente à la boutique à Montreuil. www.safa.fr
... mais aussi celui de la Maison Lucas installée sur la Presqu’île de Quiberon depuis 40 ans, qui travaille avec 3 élevages de qualité : un Label Rouge d'Ecosse, un bio d'Ecosse ou d'IIrlande (selon la saison) et un Français, du Cotentin. www.maisonlucas.com
Je vous souhaite d'excellentes fêtes de fin d'année !