On sait combien la langue française est subtile. Et en matière de crèmes, on est gâté. Entre les œufs au lait, les crèmes aux œufs, celles à la vanille qui se déclinent volontiers au chocolat ou au café, les crèmes caramel et celles au caramel, les renversées, les gélifiées…, pas sûre qu’une poule y retrouverait ses petits ! D’autant que, selon les régions et les cuisinières, les recettes varient pour le plaisir des gourmands. Du coup, je me suis dit qu'un petit récap des différentes pratiques, glanées ça et là (entres autres le blog Du Miel et du sel, le site Chef Simon.com, les livres de Ginette Mathiot et mes recettes personnelles), serait le bienvenu.
S’il y a bien un point commun entre toutes les crèmes, c’est leur composition : du lait ou de la crème, du sucre et des œufs. Leur consistance est variable en fonction du nombre d’œufs employés, de la présence ou non de blancs, de fécule, du type de cuisson (sur le feu ou au four) ou encore du contenant (individuel ou familial, en fer blanc, porcelaine, terre cuite, verre…). Le choix du lait a aussi son importance. Il va de soi que le lait entier est idéal pour un entremets crémeux à souhait. A défaut, on diminue de moitié la quantité de lait demi-écrémé et on compense avec de la crème fleurette. Oubliez le lait écrémé : les crèmes ne portent pas leur nom pour rien ! Et si vous n’avez pas la chance d’avoir une ferme à côté de chez vous, essayez le lait cru vendu au rayon frais. Le goût de vos crèmes sera inimitable !
La crème anglaise, une incontournable
Sa texture à peine figée, son parfum déclinable à volonté (vanille, café, calvados, caramel, chocolat…), lui vaut d’être l’accompagnement idéal d’un moelleux au chocolat, d’une mousse de fruits, de blancs pochés (les œufs à la neige)… La crème anglaise peut aussi servir à confectionner de la crème glacée (il faut alors la laisser prendre au froid, éventuellement brassée en sorbetière) ou un bavarois, qui n’est autre qu’une crème anglaise collée à la gélatine (comptez 5 feuilles pour 50 cl de crème anglaise) et additionnée de crème fouettée (25 cl).
Si elle peut sembler difficile, la crème anglaise ne l’est pourtant pas à condition de respecter quelques règles.
Tout d’abord, le nombre de jaunes doit être suffisant pour que la crème soit onctueuse : au minimum 4, au maximum 8 pour 50cl de lait. On les mélange à 75g de sucre sans chercher ni à les blanchir, ni à les faire mousser. On les incorpore petit à petit dans le lait chaud aromatisé, sans cesser de remuer puis on laisse cuire ce mélange gentiment. C’est la clé de la réussite : un feu un peu trop fort et vous voilà avec une crème délitée ! Le plus difficile ensuite reste à savoir quand la crème est prête. Avec un thermomètre, pas de souci : les œufs coagulant à 84°, la crème est prête lorsqu’elle atteint 83°. A défaut, cela correspond au stade juste avant l’ébullition, quand la crème commence à épaissir et à napper la spatule et qu’une ligne tracée avec le doigt sur la spatule reste nette. Mieux alors la débarrasser rapidement dans un cul de poule et la laisser refroidir. Bien qu'elle gagne en parfum à être préparée la veille, la crème anglaise ne se conserve pas plus de 24h au réfrigérateur.
La crème des gastonomes en culottes courtes !
Celle pour laquelle on se lève tous (enfin question de goût !) est super simple à confectionner à la maison. On commence par préparer une crème pâtissière avec 6 jaunes d’œufs, 25g de cacao amer en poudre, 75g de sucre, 25g de maïzena et 50cl de lait. Une fois que la crème a pris de la consistance, on retire du feu et on incorpore 100g de chocolat noir puis 60g de crème fraîche épaisse. Si on la préfère au caramel, on remplace le cacao et chocolat par un beau caramel maison, à la pistache par de la pâte de pistache, au café, par un sachet de café soluble. Un coup de mixeur plongeant et voilà une crème velouté qu’il convient de réserver au moins 2 heures au frais avant de lui faire sa fête !
Divins oeufs au lait et crèmes prises...
Difficile de faire plus simple que les oeufs au lait (ceux pour lesquels, moi, je me relèverais la nuit !) : 3 ou 4 oeufs mélangés (sans faire mousser, sinon des petites bulles se forment à la surface des crèmes - cf. photo ci-dessous) à 60g de sucre sur lesquels on verse doucement 50 cl de lait chaud et hop on enfourne au bain-marie ! Dans des petits pots de terre, de porcelaine (j'aime beaucoup les tasses à café) ou de verre (mais attention !, cela cuit plus vite), on compte 15 mn de cuisson à 170° (un peu plus longtemps à une température moindre) et c'est fini ! Pour que les œufs au lait restent bien blancs, on les protège avec une feuille d’aluminium, tout simplement.
En ajoutant un arôme, on parle de 'crèmes prises' ou de 'crèmes au four'. Au chocolat, il suffit de faire fondre entre 80 et 150g de chocolat pâtissier (noir ou au lait) dans le lait ; au café, 4g de café lyophilisé ; à la pistache, comptez 1 bonne cuillérée à soupe de pâte de pistache ; au caramel, on réalise au préalable un caramel à sec qui est ensuite mélangé au lait...
Et puis, il y a les autres crèmes au four...
Crèmes aux œufs & cie
'Crème au oeufs', 'crème caramel', 'crème renversée' : voilà des appellations qui, si pour certaines, s’équivalent, pour d’autres (comme moi) n’évoquent pas le même entremets.
D’abord, la crème caramel n’est autre qu’une crème aux œufs qui cuit dans un moule tapissé de caramel. Du coup, en apparence, si elles ne sont pas démoulées, on ne décèle aucune différence entre les deux. Ce sont des crèmes bien jaunes avec une belle peau dorée, contrairement aux œufs au lait qui – comme leur nom l’indique – ont une apparence laiteuse et sont recouverts d’une fine peau blanchâtre.
Pourquoi ? Les premières contiennent plus de jaunes d’œufs que les seconds : selon les recettes et pour 50 cl de lait, 1 à 2 œufs entiers et 3 à 4 jaunes pour la crème aux œufs, contre 3 à 4 œufs entiers pour les œufs au lait, comme nous venons de le voir. Pour toutes, cependant, le principe est le même : on bat les œufs et le sucre, on verse lentement le lait bouillant aromatisé à la vanille, tout en mélangeant sans faire mousser pour ne pas introduire d’air, on transvase immédiatement dans un grand plat à four ou des ramequins et on enfourne. Rien de plus facile !
Là où ça se complique, c’est à la cuisson. Car toutes préfèrent une cuisson douce, entre 120 et 170° selon les fours : l’eau du bain-marie doit être mise à chauffer en même temps que le préchauffage du four, elle ne doit surtout pas bouillir pour que la crème reste bien lisse, sans petits trous dûs aux œufs qui coagulent, ou pire, se désagrègent. Pour empêcher ce désagrément, néanmoins, il existe un truc que je dois à Marie-Claire : ajouter dans la crème une cuillérée à moka rase de fécule de maïs, pas plus ! Selon la matière et la taille du récipient, les crèmes sont cuites au bout de 20 mn à 1h. Elles doivent être fermes en surface, mais légèrement tremblotantes. L’idéal est le les laisser attendre sagement 1h dans le four éteint puis encore 3 ou 4h au réfrigérateur.
Ah oui, encore une chose, tous ces entremets se dégustent à même le pot, sauf les crèmes caramel qui peuvent être démoulées. Dans ce cas, on les appelle crèmes renversées ! CQFD.
Brûlée, mais pas ratée !
Elle a eu son heure de gloire mais reste si simple et rapide à réaliser qu’on l’apprécie encore. De la crème fleurette plutôt que stérilisée, de la vanille en gousse bien tendre et charnue, des jaunes d’œuf (6 pour 50 cl) et du sucre en poudre (60g) et c’est tout ! La cuisson se fait traditionnellement dans des ramequins peu profonds et larges (des plats à œufs ou à crème catalane), pendant 30 mn au bain-marie dans un four préchauffé à 160°. Un repos d’au moins 1h au frais est ensuite indispensable. Quant à l’étape qui lui vaut son nom, inutile de s’évertuer à la réaliser au four : c’est au chalumeau qu’elle réussit le mieux. Les flammes ont juste le temps de caraméliser la surface de la crème, préalablement recouverte d’une fine couche de sucre glace, sans atteindre le cœur qui reste bien froid et consistant. L’avantage de cet entremets, c’est qu’il se décline tout au long de l’année. Traditionnel à la vanille, estival aux framboises, automnal à la crème de marron et aux brisures de marrons glacés ou encore au safran et pain d’épice, et même en entrée festive avec du foie gras. Avec lui, on laisse libre cours à son imagination !
Sans œuf, ni cuisson*, la panna cotta, une exception
Star des verrines depuis quelques années, ce dessert traditionnel du Piémont fait figue d’exception parmi les crèmes. De texture onctueuse, la panna cotta ne comporte pas d’œuf mais de la crème fleurette dans laquelle a été dilués à chaud, du sucre (comptez 40g pour 50cl de crème) et de la gélatine (2 ou3 feuilles) ou de l’agar-agar (2g). On l’aromatise avec de la vanille, du café, des zestes de citron, de la pâte de pistache, de la fleur d’oranger, du sirop (on privilégie alors un produit de bonne qualité pour son goût et on diminue la quantité de sucre) : lavande, coquelicot, barbe à papa, orgeat… On peut tout à fait faire fondre dans la crème des bonbons tels que des carambars, des fraises tagada… ou encore remplacer la moitié de la crème par du lait de coco.
Autre variante : avec du lait de vache, entier ou demi-écrémé, au lieu de la crème et de la vanille, c’est la crème gélifiée du commerce, celle que l’on démoule et nappe de caramel liquide !
Côté présentation, la panna cotta ne connaît pas non plus de limites. Servie en verrine ou démoulée, elle s’accommode volontiers d’un coulis de fruits (framboise, fraise, mangue, abricot…), d’un caramel au beurre salé, de fruits en morceaux (kiwis, grenade…), de noix de coco râpée, de copeaux de chocolat, d’éclats de caramel… Et pour les plus audacieux, elle se décline en version salée ! La crème peut être infusée au lard, au saumon fumé... Elle peut être additionnée de roquefort, de parmesan, d’une purée de légumes tels que le fenouil, le potiron, la carotte, le chou-fleur qu’on aura fait cuire à l’eau et mixé au préalable, avant d’incorporer la gélatine. Bien sûr, on oublie le sucre au profit du sel, du poivre et d’épices. On décore avec une crevette, de la poitrine grillée, du crumble… L’avantage de cet entremets, vous l’avez compris, c’est qu’il est très simple et très rapide à réaliser. Et s’il doit être préparé au moins 4 heures à l’avance – le temps de prendre sagement, au réfrigérateur –, il peut aussi attendre quelques jours sans problème. Son seul défaut, c’est qu’il n’apprécie guère les buffets dans des atmosphères trop chaudes : mieux vaut le réserver, en verrines, sur un lit de glace, ou le sortir du réfrigérateur au moment de la dégustation.
* Sans cuisson, quoique ! La panna cotta dont la traduction littérale est" crème cuite" peut très bien se réaliser avec des blancs d'oeufs à la place de la gélatine ou de l'agar-agar et cuire au four au bain-marie. C'est d'ailleurs la méthode piémontaire originelle. Marie-Claire a d'ailleurs écirt un beau billet à ce jour. J'ai testé la recette (cf. photo ci-dessus) mais elle ne m'a pas vraiment convaincue car je ne trouvais pas les crèmes assez prises. A refaire pour voir !